Instabilité politique : des entreprises françaises paralysées, seules 10 % anticipent une croissance
Dans un climat économique marqué par l’incertitude, les entreprises françaises peinent à envisager l’avenir avec optimisme. Une étude du cabinet ARC, publiée mercredi, montre à quel point les turbulences politiques influencent aujourd’hui les décisions des dirigeants : l’instabilité politique s’impose comme leur première source d’inquiétude, reléguant au second plan les tensions sociales ou les hausses d’impôts.
L’incertitude politique, facteur numéro un d’inquiétude
Selon cette enquête menée en octobre auprès de 200 entreprises de plus de 50 salariés, 75 % des dirigeants placent l’instabilité politique en tête de leurs préoccupations. Ce diagnostic dépasse désormais les difficultés sociales (67 %) et la pression fiscale (55 %). À leurs yeux, la situation politique fragilise la prévisibilité indispensable à l’investissement.
Denis Le Bossé, président du cabinet ARC, résume le sentiment de nombreux chefs d’entreprise : « Elles se sentent otages de la situation politique ». Par prudence, les entreprises renoncent aux investissements jugés non essentiels et ralentissent leurs embauches.
L pessimisme est généralisé : 89 % des entreprises anticipent une dégradation de la conjoncture française dans les six mois à venir. Une vision sombre qui pèse sur les stratégies de développement.
Une croissance en berne, un risque de défaillances en hausse
Interrogées sur l’évolution de leur propre activité, la majorité des entreprises adoptent une position attentiste. Elles sont 72 % à prévoir une stabilité dans les six prochains mois, une proportion en léger recul depuis avril. En revanche, celles qui anticipent un recul sont plus nombreuses (18 %, +4 points). Et seules 10 % pensent pouvoir enregistrer une croissance — un niveau historiquement faible, en baisse continue depuis un an.
Cette prudence s’accompagne de craintes très fortes sur la capacité de leurs clients à tenir le choc : 97 % s’attendent à une hausse des dépôts de bilan dans les mois à venir. Une anticipation cohérente avec les chiffres de la Banque de France, qui recense 68 227 défaillances entre octobre 2024 et septembre 2025 — un niveau élevé qui continue d’augmenter.
Autre enseignement inquiétant de l’étude : 66 % des dirigeants estiment ne pas être suffisamment accompagnés sur le plan juridique pour prévenir ou gérer les difficultés financières de leur entreprise.
Des trésoreries sous tension et un rapport de force entre entreprises
Face à des besoins de trésorerie grandissants, la majorité des entreprises adoptent des pratiques qui fragilisent l’ensemble du tissu économique. Ainsi, 75 % allongent les délais de paiement de leurs fournisseurs, un levier largement utilisé devant le recours au découvert bancaire (54 %). Une stratégie qui fait peser les difficultés en cascade sur les structures les plus fragiles.
La Banque de France rappelait en octobre que les grandes entreprises sont les plus mauvais payeurs, au point qu’elles auraient perdu 12 milliards d’euros de trésorerie en 2024 si elles avaient honoré leurs factures dans les délais légaux. « Un rapport de force délétère s’installe entre les entreprises, au détriment des plus petites », déplore Denis Le Bossé.
Dans ce contexte, 77 % des entreprises interrogées souhaitent un durcissement des sanctions contre les retards de paiement. Beaucoup plaident pour que les amendes deviennent proportionnelles au chiffre d’affaires des entreprises fautives, au lieu du plafond actuel de 2 millions d’euros.
Une proposition de loi allant dans ce sens a d’ailleurs été déposée fin octobre par le sénateur LR Olivier Rietmann, qui suggère d’instaurer des amendes pouvant atteindre 1 % du chiffre d’affaires mondial.