Intermarché reprend 81 magasins Colruyt en France

Le Groupement Les Mousquetaires (Intermarché/Netto) s’engage à acquérir 81 supermarchés et 44 stations-service Colruyt pour 215 M€, avec transfert de 1 300 salariés.
Une opération stratégique majeure dans la distribution

Le 17 juin 2025, le groupe belge Colruyt a annoncé avoir reçu une promesse unilatérale d’achat émanant du Groupement Les Mousquetaires, maison-mère des enseignes Intermarché et Netto. Cette proposition porte sur l’acquisition de 81 supermarchés intégrés sur les 104 magasins Colruyt en France, ainsi que sur 44 stations-service DATS 24. L’opération est estimée à 215 millions d’euros, confirmant une stratégie offensive du groupement français pour consolider son maillage territorial, en particulier dans l’Est et le Centre-Est du pays. Pour Colruyt, ce retrait partiel marque un recentrage de ses activités sur des marchés plus rentables.

Les points de vente concernés sont majoritairement implantés dans les régions du quart nord-est, de la Bourgogne-Franche-Comté à la Lorraine. L’accord comprend également la reprise de plusieurs plateformes logistiques stratégiques, bien que certains entrepôts soient exclus de la transaction pour des raisons d’incompatibilité avec le modèle des Mousquetaires. L’ensemble représente une opportunité pour Intermarché d’accélérer son expansion tout en optimisant la répartition de ses flux. Au total, plus de 1 300 salariés sont concernés par le transfert, prévu pour le premier semestre 2026.

Colruyt, présent en France depuis 1998, fait face à des difficultés structurelles sur le territoire hexagonal. Malgré une activité rentable sur certains points, la filiale française du distributeur belge a enregistré un déficit supérieur à 20 millions d’euros au titre de l’exercice 2024-2025. Le poids des frais fixes, conjugué à une dynamique concurrentielle très tendue dans le secteur, a poussé le groupe à envisager une sortie partielle. L’accord avec Les Mousquetaires permet ainsi de limiter les pertes tout en garantissant une transition équilibrée.

Un transfert socialement encadré

L’un des piliers de l’accord repose sur la transmission intégrale des contrats de travail des salariés concernés, en vertu de l’article L1224-1 du Code du travail. Ainsi, 1 316 salariés de Colruyt Retail France rejoindront les entités du Groupement Les Mousquetaires sans rupture de contrat. Les 175 postes non transférés dans les entrepôts seront compensés par des propositions de CDI à pourvoir dans les structures logistiques des Mousquetaires, à l’issue d’une procédure de reclassement. Cette méthode témoigne d’une volonté commune de privilégier l’emploi et d’éviter les licenciements secs.

Avant tout transfert opérationnel, une consultation des instances représentatives du personnel (IRP) sera engagée. Ce dialogue, obligatoire dans le cadre d’une cession de cette ampleur, vise à préciser les modalités d’intégration, les perspectives de carrière, et les conditions de travail dans les nouvelles entités. Le PDG de Colruyt Retail France, Stefan Goethaert, a assuré que l’objectif était de garantir une intégration harmonieuse et responsable, dans l’intérêt conjoint des salariés et des enseignes concernées.

Les magasins repris seront confiés à des adhérents-indépendants du Groupement Les Mousquetaires, selon le modèle coopératif traditionnel de l’enseigne. Ces chefs d’entreprise bénéficieront d’un accompagnement personnalisé pour assurer la transformation logistique, marketing et RH des points de vente. Cette architecture décentralisée favorise une réappropriation locale des commerces et pourrait, selon les analystes, faciliter l’ancrage territorial durable des ex-magasins Colruyt.

Recomposition du paysage concurrentiel

Le secteur de la grande distribution en France est soumis à une concurrence intense, marquée par la montée en puissance du e-commerce, la pression sur les prix, et la prolifération des enseignes de hard-discount. Dans ce contexte, la reprise de Colruyt par Les Mousquetaires permet à ces derniers de conforter leur troisième place sur le marché français, derrière Leclerc et Carrefour. L’objectif affiché du Groupement : atteindre 20 % de parts de marché à l’horizon 2028, en renforçant sa présence dans les zones moins couvertes.

Cette acquisition s’inscrit dans une stratégie plus large de croissance externe, amorcée dès 2023 avec le rapprochement d’Intermarché et de Casino sur plusieurs zones de chalandise. Le modèle coopératif des Mousquetaires leur permet d’agir avec agilité, en s’appuyant sur un réseau dense de points de vente tout en gardant une gouvernance décentralisée. L’intégration des magasins Colruyt s’effectuera dans cette logique, avec une conversion progressive aux standards logistiques et commerciaux du groupement.

Enfin, cette opération envoie un message fort aux distributeurs européens : la France, marché historiquement dense, reste une zone complexe pour les enseignes étrangères peu implantées. L’exemple de Colruyt, contraint de se replier après près de 25 ans de présence, révèle les difficultés à atteindre une taille critique sans réseau logistique robuste et connaissance fine du tissu local. Pour Les Mousquetaires, cette reprise vient donc également confirmer leur statut de consolidateur national.



Croissance allemande : le vent tourne enfin selon trois instituts économiques

Après deux années de contraction, l’économie allemande semble enfin amorcer une reprise. Trois instituts de conjoncture de premier plan – l’IfW de Kiel, l’Ifo de Munich et le RWI d’Essen – ont revu à la hausse leurs prévisions de croissance pour 2025 et 2026, misant sur une amélioration plus rapide que prévu de la conjoncture.

Des premiers signes positifs en 2024

Le redémarrage est timide, mais il est là. Tous trois anticipent désormais une progression du produit intérieur brut (PIB) allemand de 0,3 % pour l’année 2025, contre des prévisions initialement plus prudentes. L’Institut de Kiel, par exemple, tablait jusqu’ici sur une simple stagnation. Ce réajustement est largement attribué aux bons résultats du premier trimestre, marqué par une hausse de l’activité économique de 0,4 %.

« L’économie allemande entrevoit enfin la lumière au bout du tunnel », commentent les experts de l’IfW, soulignant que les moteurs de la reprise, bien que modestes, commencent à se remettre en marche.

Une dynamique plus vigoureuse à l’horizon 2026

Les projections à moyen terme sont elles aussi revues à la hausse. L’IfW s’attend désormais à une croissance de 1,6 % en 2026, contre 1,5 % précédemment. L’Institut Ifo affiche un optimisme plus marqué encore : il anticipe une progression de 1,5 % en 2026, soit près du double de sa prévision de printemps, qui n’était que de 0,8 %. Le RWI adopte une position similaire, misant également sur 1,5 % de croissance dans deux ans.

Le creux de la vague est passé

Pour Timo Wollmershäuser, chef économiste à l’Ifo, « la crise a atteint son point le plus bas durant l’hiver dernier ». Selon lui, la situation conjoncturelle s’améliore lentement mais sûrement, portée par un retour de la confiance des entreprises et la stabilisation de la demande intérieure.

Parmi les éléments de soutien à cette reprise, les décisions budgétaires récentes du gouvernement fédéral jouent un rôle central. « Les mesures économiques adoptées ces derniers mois expliquent en partie cette embellie », confirme-t-il.

Un coup d’accélérateur venu du gouvernement

En effet, Berlin a dégainé plusieurs instruments pour stimuler l’économie. La semaine dernière, le gouvernement a validé un vaste programme de 46 milliards d’euros d’allègements fiscaux à destination des entreprises. Objectif : relancer l’investissement et soutenir la compétitivité.

Autre levier important : un plan d’investissement massif de 500 milliards d’euros dans les infrastructures, approuvé au printemps par le Parlement. Il s’agit du plus grand effort d’aménagement du territoire et de modernisation depuis la réunification.

D’après les estimations de l’Ifo, ces mesures pourraient générer un impact budgétaire positif de 10 milliards d’euros dès 2025, et de 57 milliards d’euros en 2026. En matière de croissance, cela se traduirait par un bonus de 0,1 point de PIB cette année, et 0,7 point l’année suivante, comparativement à une trajectoire sans intervention gouvernementale.

Des incertitudes demeurent

Si le ton général est désormais à l’optimisme prudent, les trois instituts ne cachent pas les obstacles qui subsistent. La question des droits de douane et du climat commercial international reste une épée de Damoclès, notamment dans un contexte de tensions commerciales persistantes entre les grandes puissances.

Torsten Schmidt, responsable des prévisions au RWI, insiste : « La reprise s’annonce progressive et dépendra fortement de la capacité du gouvernement à traduire ses promesses en actions concrètes. » Il met en garde contre un excès d’enthousiasme, tout en soulignant les signaux positifs émis par le second semestre.

Un nouveau cycle pour la première économie européenne ?

Après une période difficile marquée par les séquelles de la pandémie, la flambée des prix de l’énergie et le ralentissement industriel, l’Allemagne pourrait renouer avec un cycle de croissance plus soutenu, à condition de maintenir le cap des réformes et de la relance.

Les ajustements récents des prévisions économiques témoignent d’un changement de climat. Les instituts, jusqu’ici très prudents, misent désormais sur un retour progressif à une croissance modérée mais stable, nourrie par l’investissement public et le redressement de la demande.

L’économie allemande, locomotive du continent, n’est pas encore repartie à plein régime, mais le moteur semble relancé. La suite dépendra de la conjonction entre politiques publiques efficaces et environnement économique international plus serein.

Face à Shein, Temu et AliExpress, les commerçants ripostent

Accusés de concurrence déloyale, les géants chinois du e-commerce sont dans le viseur des commerçants français, qui réclament leur déréférencement.
La colère des commerçants face à une concurrence écrasante

Les plateformes chinoises telles que Shein, Temu ou AliExpress affichent des prix défiant toute concurrence : robes à 10 euros, gadgets à moins de 3 euros, bijoux à prix cassés… Ces tarifs, qui attirent massivement les consommateurs, suscitent l’indignation du commerce de proximité français. Pour les artisans et commerçants, ces montants ne permettent ni une fabrication respectueuse des normes sociales ni une juste rémunération du travail. Les prix bas se font au détriment de la qualité, de l’environnement et, surtout, du tissu économique local. Ces produits, souvent livrés depuis l’étranger avec peu ou pas de frais de douane ou de TVA, bénéficient de conditions bien plus avantageuses que celles imposées aux entreprises françaises, créant un déséquilibre profond.

Derrière ces plateformes, les commerçants dénoncent un écosystème qui échappe largement aux règles du commerce classique. Les fiches produit manquent parfois de clarté, les conditions de retour sont souvent floues, et les produits ne sont pas toujours conformes à la description initiale. Certaines plateformes usent aussi d’un marketing agressif, avec des promotions permanentes, des notifications incessantes, et des algorithmes qui poussent à la surconsommation. Ces méthodes, difficilement contrôlables depuis l’Europe, participent à une forme de “dumping numérique” contre lequel les petits commerçants se sentent désarmés.

Les effets sont déjà visibles dans les centres-villes. La baisse de fréquentation des commerces de proximité, combinée à l’inflation et aux charges fixes, met en péril des milliers de petits acteurs économiques. Derrière chaque fermeture de boutique, ce sont des emplois locaux supprimés, une vie de quartier qui s’éteint, et une perte de diversité commerciale. Les commerçants ne remettent pas en cause le progrès numérique, mais appellent à une égalité de traitement : comment rivaliser avec des plateformes qui expédient depuis des entrepôts en Asie à des prix défiant les règles élémentaires du commerce équitable ?

Un appel à l’État : encadrer, rétablir la justice commerciale

Face à l’inaction perçue des plateformes et à la lenteur des mesures politiques, la Confédération des commerçants de France (CDF) demande aujourd’hui des actions fortes, et notamment le déréférencement de Shein, Temu et AliExpresssur les moteurs de recherche français. L’objectif ? Rendre ces plateformes moins visibles, ralentir l’hémorragie commerciale, et envoyer un signal politique fort. Cette mesure, radicale, viserait à rétablir une forme d’équité dans l’accès au marché numérique français, à défaut de pouvoir imposer directement des régulations à ces entreprises étrangères.

Les commerçants demandent que l’Union européenne prenne ses responsabilités. Déjà, certaines initiatives comme le Digital Services Act ou le Customs Enforcement Package tentent de mieux encadrer les pratiques des géants du e-commerce. Mais la France, selon les commerçants, devrait aller plus loin : exiger une TVA à l’importation systématique, imposer la traçabilité des produits vendus, et responsabiliser les plateformes sur la conformité et la sécurité des marchandises commercialisées. Une loi française plus stricte serait, selon eux, un premier pas vers une régulation plus globale.

La riposte ne peut être uniquement institutionnelle : elle passe aussi par les mentalités. Pour les commerçants, il est urgent de sensibiliser les consommateurs aux impacts économiques, sociaux et écologiques de leurs achats. Acheter une robe à 9 € sur Temu, c’est peut-être faire une bonne affaire à court terme, mais c’est aussi affaiblir durablement l’économie locale. À travers des campagnes d’affichage, des relais dans les médias et les réseaux sociaux, les commerçants souhaitent rappeler qu’un euro dépensé dans une boutique indépendante a dix fois plus d’impact pour l’emploi et l’environnement qu’un achat sur une plateforme chinoise.

Repenser le commerce local à l’ère du numérique

Face à cette concurrence numérique, les commerçants traditionnels n’entendent pas rester figés. Beaucoup investissent désormais dans la digitalisation de leurs services : sites web, click & collect, ventes en ligne, prises de rendez-vous via les réseaux sociaux. Cette transformation n’est pas toujours simple, surtout pour les plus petites structures, mais elle s’impose comme indispensable. L’ambition n’est pas de rivaliser avec les plateformes géantes, mais de proposer une alternative de qualité, humaine, accessible, et plus responsable.

Les commerçants demandent aussi un accompagnement public renforcé : aides à la digitalisation, formations, subventions pour la transition numérique, réduction des charges sociales. Certaines collectivités ont déjà mis en place des dispositifs de soutien, mais ceux-ci restent trop dispersés et souvent inadaptés à la réalité du terrain. Une stratégie nationale cohérente, portée par l’État et les régions, est attendue pour donner un second souffle au commerce local.

Enfin, au-delà des politiques publiques, les commerçants misent sur l’éveil d’un consommateur plus responsable. La prise de conscience écologique, le désir de proximité, la volonté de soutenir l’économie locale sont autant de leviers qui peuvent jouer en faveur d’un retour en grâce des commerces de centre-ville. Pour cela, encore faut-il offrir une expérience client irréprochable, un service humain, et une offre de produits différenciante. Le défi est de taille, mais les commerçants en sont convaincus : c’est en s’adaptant sans renier leur identité qu’ils retrouveront leur place.



TVA sociale : l’U2P veut cibler le luxe, pas les familles

Face à l’inflation et à la crise du pouvoir d’achat, l’Union des entreprises de proximité défend une TVA sociale recentrée sur les produits de luxe.
Une TVA sociale sélective pour préserver la consommation courante

Dans une tribune publiée lundi 27 mai, l’Union des entreprises de proximité (U2P), qui représente artisans, commerçants et professions libérales, a formulé une proposition inattendue mais stratégique : appliquer la TVA sociale uniquement aux produits de luxe, tout en épargnant les biens de consommation courante. Dans un contexte de tensions sociales liées à l’inflation alimentaire et énergétique, cette approche vise à protéger le panier moyen des Français, notamment des classes moyennes inférieures et des ménages précaires, souvent les plus sensibles aux hausses de TVA.

La TVA, impôt indirect par excellence, est souvent décriée pour son caractère injuste : elle frappe proportionnellement plus les ménages modestes que les plus aisés. En ciblant les produits de luxe – dont la charge est assumée par une population à fort pouvoir d’achat – l’U2P cherche à réconcilier justice fiscale et efficacité budgétaire. Pour l’organisation patronale, il s’agit non seulement de générer des recettes, mais de le faire en respectant un principe de solidarité implicite : faire financer une part de la protection sociale par ceux qui consomment des biens superflus.

Dans sa prise de position, l’U2P s’inquiète clairement des effets d’une généralisation brutale de la TVA sociale sur l’économie du quotidien. L’organisation alerte sur un risque de « déséquilibre social » si la réforme venait à inclure les produits alimentaires, d’hygiène, ou de première nécessité. Elle pose donc une ligne rouge nette : ne pas alourdir la facture des foyers sur les achats essentiels. C’est là une manière habile de soutenir à la fois la consommation domestique, la paix sociale et la stabilité du tissu économique local.

Réformer le financement social sans pénaliser l’emploi

La TVA sociale a pour vocation de remplacer une partie des cotisations sociales patronales par une fiscalité à la consommation. Ce mécanisme, déjà expérimenté en partie sous Nicolas Sarkozy, vise à alléger le coût du travail tout en préservant les ressources de la Sécurité sociale. Pour l’U2P, le financement de la solidarité nationale doit évoluer, dans un monde où la compétitivité repose sur des charges sociales moins lourdes, notamment pour les petites entreprises de proximité.

En défendant un schéma dans lequel la consommation de luxe finance la solidarité, l’U2P tente une équation subtile : stimuler l’emploi sans sacrifier la protection sociale. Contrairement à d’autres approches qui reposent sur des baisses de cotisations non compensées, la proposition de l’organisation vise à maintenir le niveau de protection tout en transférant intelligemment la charge fiscale. Pour les entreprises artisanales et les commerces de centre-ville, c’est un rééquilibrage attendu de longue date.

L’intérêt de la proposition de l’U2P tient aussi à sa prise en compte des réalités de terrain. Les secteurs représentés – artisans, commerçants, professions libérales – sont confrontés quotidiennement à la baisse de la consommation et à la montée des charges. En articulant compétitivité et justice fiscale, l’U2P propose une alternative à la rhétorique du « moins d’impôts » : il s’agit ici de repenser l’assiette, non de réduire aveuglément les prélèvements.

Une réforme sensible aux multiples implications politiques

La simple évocation d’une hausse de TVA suffit souvent à raviver les tensions sociales. Ce fut le cas lors du quinquennat Sarkozy, et le gouvernement actuel avance prudemment sur cette piste. En proposant une version ciblée, l’U2P cherche à déminer le débat et à montrer qu’une réforme fiscale peut être socialement acceptable. Reste que tout relèvement de taxe reste un sujet politiquement explosif, en particulier à la veille d’échéances électorales majeures.

Dans un contexte budgétaire tendu et face à l’essoufflement des leviers classiques de financement de la protection sociale, la piste défendue par l’U2P pourrait faire son chemin. À Bercy comme à Matignon, plusieurs voix réfléchissent à une réforme fiscale « par le haut », qui ne se traduirait pas par une austérité directe, mais par une redistribution plus intelligente des prélèvements. Le ciblage sur les produits de luxe offre ici une réponse à la fois lisible, symbolique et potentiellement consensuelle.

En publiant cette proposition, l’U2P ne s’adresse pas uniquement aux techniciens de Bercy. Elle envoie un signal politique, à la fois vers les décideurs publics et vers une opinion inquiète de l’avenir de son pouvoir d’achat. À l’heure où la fiscalité devient un marqueur politique majeur, le discours de « justice dans la contribution » pourrait redéfinir les contours du consentement à l’impôt. Et replacer le débat sur la TVA dans un cadre plus constructif qu’à l’accoutumée.



Revolut parie un milliard sur la France

La néobanque britannique va investir un milliard d’euros dans l’Hexagone et y installer son siège pour l’Europe de l’Ouest. Un signal fort au sommet Choose France.

Un ancrage stratégique renforcé sur le sol français

C’est une annonce qui n’a pas échappé aux investisseurs comme aux autorités françaises. Lors du sommet Choose France, organisé par l’Élysée à Versailles pour séduire les capitaux étrangers, Revolut a frappé fort : la fintech britannique annonce un investissement d’un milliard d’euros sur trois ans dans l’Hexagone. Ce plan d’envergure s’accompagne d’une décision hautement symbolique : l’établissement à Paris du siège de Revolut pour l’Europe de l’Ouest. Jusqu’ici éclatée entre Londres et Vilnius (Lituanie), l’organisation de la société s’ancre désormais plus fermement dans un pays membre de la zone euro, à la fois cœur politique et financier de l’Union européenne. Avec plus de cinq millions d’utilisateurs en France, Revolut reconnaît dans l’Hexagone non seulement un marché porteur mais aussi une base stratégique pour son développement continental.

Cette décision s’inscrit également dans un mouvement plus large de relocalisation post-Brexit des activités financières, Paris devenant de plus en plus un pôle d’attraction pour les grands acteurs de la tech financière. Pour Revolut, qui ambitionne de concurrencer les banques traditionnelles sur leur propre terrain, il s’agit de se rapprocher de ses clients mais aussi des régulateurs continentaux, dans un cadre juridique plus stable que celui du Royaume-Uni.

Ce plan d’investissement d’un milliard d’euros ne se limite pas à une installation de façade. Il implique aussi des engagements concrets en matière d’emploi et de services. Revolut prévoit ainsi d’embaucher plus de 200 collaborateurs supplémentaires en France, venant s’ajouter aux 300 déjà présents. Les profils visés sont hautement qualifiés : développeurs, ingénieurs, juristes bancaires, spécialistes du risque ou encore experts de la conformité réglementaire. La France est ici vue comme un vivier de talents, notamment grâce à la qualité de ses formations en ingénierie et en mathématiques financières.

En parallèle, Revolut confirme son intention de solliciter une licence bancaire complète auprès de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), ce qui lui permettrait d’aller bien au-delà de son offre actuelle de comptes courants ou de cartes de paiement. L’obtention de cette licence ouvrirait la voie à la distribution de crédits (immobiliers notamment), de produits d’épargne réglementés (Livret A, assurance-vie) et à la gestion de patrimoine. Bref, à une véritable transformation de Revolut en banque universelle, à l’image de ses concurrentes françaises comme BNP Paribas ou le Crédit Agricole.

Une confiance renforcée dans l’écosystème français

Le choix de Revolut n’est pas anodin. Dans un contexte de compétition accrue entre grandes capitales européennes pour attirer les sièges sociaux et les centres de décision des géants de la tech, la France tire ici son épingle du jeu. Plusieurs facteurs expliquent ce tropisme : un marché de consommateurs bancarisés, une population jeune et férue de solutions mobiles, une politique fiscale relativement stable pour les entreprises numériques, et un environnement réglementaire favorable à l’innovation. À cela s’ajoute une volonté politique affirmée de faire de la France une terre d’accueil pour la finance du futur.

Revolut ne fait ici que rejoindre un mouvement plus large de grandes entreprises technologiques ayant récemment renforcé leur présence en France : Amazon, Microsoft, Meta ou encore JPMorgan Chase ont tous investi massivement ces dernières années, portés par les politiques pro-entreprises menées depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Le gouvernement mise sur ce type d’annonce pour faire de Paris un hub incontournable dans la chaîne de valeur des fintechs européennes.

Le sommet Choose France, voulu par Emmanuel Macron depuis 2018, est devenu un moment symbolique de la stratégie d’attractivité française. Il permet de sceller des accords majeurs avec les entreprises étrangères et de faire valoir les atouts de l’économie nationale. L’annonce de Revolut a été saluée par les plus hautes autorités de l’État, à commencer par le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, qui a déclaré : « Cet investissement démontre la solidité du modèle économique français et notre capacité à attirer les entreprises les plus dynamiques du secteur financier. »

Cette annonce a aussi été interprétée comme une réponse à ceux qui doutaient encore de la capacité de la France à rivaliser avec Londres, Amsterdam ou Francfort. L’implantation de Revolut, qui n’avait pas initialement fait de la France sa priorité continentale, vient confirmer un retournement d’image positif. Pour les pouvoirs publics, c’est une victoire politique, mais aussi un levier d’image, notamment à l’approche des prochaines échéances électorales.

Une expansion européenne méthodique mais ambitieuse

Revolut ne cache plus ses ambitions de leadership européen. Déjà présente dans plus de 30 pays, avec 55 millions d’utilisateurs dans le monde, la néobanque entend accélérer en France, où elle prévoit de doubler sa base de clients d’ici à la fin de l’année 2026. Cela implique un déploiement plus agressif de ses services, une campagne de communication de grande ampleur, et surtout une montée en puissance de ses services premium (Revolut Metal, Revolut Ultra), ciblant une clientèle urbaine, mobile et fortunée. En parallèle, l’entreprise compte développer davantage ses offres pour les professionnels et les indépendants, un segment encore peu exploité mais à très fort potentiel.

Cette stratégie s’accompagnera sans doute de partenariats commerciaux avec des acteurs français : distributeurs, fintechs locales, voire assureurs. L’objectif est clair : faire de Revolut un acteur incontournable dans tous les usages bancaires quotidiens, au-delà de sa réputation actuelle centrée sur les voyageurs et les adeptes de cryptoactifs.

Si Paris devient le centre opérationnel de l’Europe de l’Ouest, Revolut n’abandonne pas pour autant son siège historique de Vilnius en Lituanie. C’est depuis ce pays balte que l’entreprise détient sa licence bancaire européenne (depuis le Brexit), et cette base restera clé pour son développement en Europe centrale et orientale. La stratégie de Revolut repose désormais sur un double pilier : Paris pour le développement commercial, le marketing et les partenariats à l’Ouest, Vilnius pour les opérations financières, la conformité et le suivi réglementaire à l’Est.

Cette architecture bicéphale permet à Revolut d’optimiser sa couverture géographique tout en limitant les risques opérationnels. En internalisant progressivement les fonctions clés dans chacun de ces hubs, l’entreprise assure sa souveraineté technologique et sa réactivité face aux évolutions réglementaires, de plus en plus exigeantes en matière de cybersécurité, de lutte anti-blanchiment et de gestion des risques.



RSA : Wauquiez relance le débat sur les minima sociaux

En affirmant que certains allocataires du RSA pouvaient « gagner plus que des travailleurs », Laurent Wauquiez a jeté un pavé dans la mare. Une déclaration choc qui alimente un vieux débat sur la désincitation au travail et qui mérite d’être confrontée aux faits. Car derrière la rhétorique, la réalité du RSA est bien plus nuancée.
Le RSA : un mécanisme complexe, pensé pour encourager l’activité

Créé en 2009 pour remplacer le RMI, le Revenu de solidarité active (RSA) repose sur une double ambition : garantir un minimum vital aux personnes sans ressources et inciter à la reprise d’activité. Contrairement à une idée reçue, le RSA n’est pas un revenu fixe versé indépendamment de la situation. Son montant varie en fonction de la composition du foyer, des ressources existantes (aides, revenus, pensions), et de l’aide au logement perçue. Pour une personne seule sans enfant, le RSA « socle » s’élève à 607,75 euros par mois en 2024. Mais ce montant est rarement versé dans son intégralité : les bénéficiaires touchant l’APL, par exemple, subissent une réduction forfaitaire de l’ordre de 72 euros. En réalité, très peu de personnes vivent exclusivement de cette somme.

Le RSA ne disparaît pas lorsqu’un bénéficiaire retrouve un emploi. Il devient alors un revenu d’appoint temporaire, destiné à assurer une transition financière vers l’autonomie. Durant les trois premiers mois d’activité, une part importante des revenus d’activité est ignorée dans le calcul du RSA, puis prise en compte progressivement. Ce dispositif, appelé « RSA activité », vise à faire en sorte que chaque heure travaillée augmente les ressources du ménage. L’objectif est clair : éviter les « trappes à inactivité », ces situations où reprendre un emploi à temps partiel ferait perdre plus d’aides qu’il ne rapporterait de revenu. C’est un système incitatif, parfois critiqué pour sa complexité, mais fondé sur un principe fondamental : le travail doit toujours mieux payer que l’inactivité.

Certes, dans de très rares cas, des situations peuvent donner l’impression que l’on « gagne plus » avec le RSA qu’en travaillant. Cela concerne souvent des foyers bénéficiant d’aides multiples (logement, allocations familiales, exonérations diverses), dans des configurations spécifiques (parent isolé avec plusieurs enfants, en logement social). Mais ces cas relèvent davantage d’un empilement de prestations sociales que du seul RSA. Ils sont l’exception, non la règle. La grande majorité des allocataires vit en dessous du seuil de pauvreté, et dans des conditions de grande précarité. Affirmer que le RSA serait globalement plus avantageux que le travail revient à méconnaître profondément son fonctionnement réel.

La déclaration de Laurent Wauquiez : posture politique ou constat fondé ?

Lors d’une prise de parole en avril 2025, Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a déclaré qu’« il existe des situations où l’on gagne davantage avec le RSA qu’en travaillant ». Une phrase choc, taillée pour marquer les esprits et s’inscrire dans la rhétorique d’une droite soucieuse de restaurer « l’ordre du mérite ». Elle n’est pas sans rappeler les discours tenus en 2011 par Nicolas Sarkozy sur « ceux qui partent au travail et croisent ceux qui rentrent se coucher ». En pleine recomposition politique, et alors que les Républicains peinent à se distinguer entre Renaissance et le RN, cette déclaration s’inscrit dans une stratégie de reconquête d’un électorat conservateur attaché à la valeur travail.

De nombreux spécialistes ont rapidement réagi à cette affirmation. Sur Franceinfo, les journalistes de l’émission « Le Vrai du Faux » ont démonté l’argumentaire de Wauquiez en rappelant que le RSA est un filet de sécurité et non une rente. Les économistes soulignent que le modèle français repose sur une redistribution finement articulée, visant à éviter les effets d’aubaine. Les cas où le RSA « rapporterait plus » qu’un emploi à temps partiel sont extrêmement rares, et liés à des interactions complexes entre plusieurs aides sociales. Les associations de lutte contre la pauvreté, comme ATD Quart Monde ou la Fondation Abbé Pierre, dénoncent quant à elles une « stigmatisation des pauvres » et un discours politique qui entretient les amalgames.

Même si les faits contredisent en grande partie l’affirmation de Laurent Wauquiez, le terrain politique sur lequel il s’aventure n’est pas dénué de pertinence stratégique. Dans une France confrontée à une crise du pouvoir d’achat, au sentiment d’injustice sociale et à la défiance envers les institutions, les discours valorisant le travail au détriment de l’assistanat rencontrent une oreille attentive. Le problème, c’est qu’en instrumentalisant des cas extrêmes pour justifier une critique globale du RSA, on risque d’aggraver les fractures sociales, en opposant les travailleurs précaires aux allocataires les plus fragiles.

Entre réforme sociale et valeurs républicaines : que faire du RSA ?

Depuis 2023, le gouvernement expérimente une réforme du RSA dans une vingtaine de départements. Le principe : conditionner le versement de l’allocation à 15 à 20 heures d’activité hebdomadaire, qu’il s’agisse de formations, d’ateliers d’insertion, ou d’actions de recherche d’emploi. Cette logique de « droits et devoirs » entend rétablir un lien dynamique entre aide sociale et insertion professionnelle. Emmanuel Macron l’avait évoqué dès sa campagne présidentielle de 2022 : le RSA ne doit pas être un « guichet », mais un « tremplin ». L’enjeu est de généraliser ce dispositif d’ici 2026, tout en préservant un accompagnement humain, déjà sous tension dans les services sociaux départementaux.

Mais cette réforme se heurte à plusieurs obstacles. D’abord pratiques : nombre de bénéficiaires du RSA cumulent des difficultés sociales, sanitaires ou psychologiques qui rendent difficile une reprise immédiate d’activité. Ensuite politiques : à gauche, des voix s’élèvent contre une vision jugée punitive de l’aide sociale, assimilée à un retour masqué au travail forcé. Dans les territoires concernés, certains agents dénoncent un manque de moyens, un cadrage flou, et une mise en œuvre précipitée. L’efficacité réelle du dispositif reste à prouver, même si les premières évaluations soulignent un taux de participation plutôt positif.

Au fond, le débat sur le RSA interroge la société française sur sa capacité à conjuguer solidarité et responsabilité. Doit-on aider sans condition ou conditionner l’aide à un effort ? Comment récompenser le travail sans stigmatiser les plus précaires ? Faut-il faire primer la logique budgétaire ou la logique humaine ? Derrière les polémiques politiques se cache une question plus fondamentale : quel contrat social voulons-nous pour la France du XXIe siècle ? Le RSA, dans ses failles comme dans ses vertus, en est un révélateur.



Le commerce équitable à la française connaît un essor sans précédent

Le label Agri-Ethique a bouclé une année 2024 exceptionnelle, marquée par une croissance spectaculaire des ventes et des produits référencés. Le commerce équitable, longtemps associé aux pays du Sud, trouve désormais un solide ancrage dans les territoires agricoles français.

Pain, miel, yaourts, chips… Ces produits familiers des rayons de supermarché sont de plus en plus nombreux à arborer un label de commerce équitable d’origine hexagonale. Et le phénomène prend de l’ampleur. En tête de cette dynamique, Agri-Ethique, pionnier du commerce équitable « made in France », vient d’annoncer des résultats record pour l’année 2024, avec des ventes en hausse de 75 % et un tiers de nouvelles références supplémentaires.

Une croissance portée par la fidélité aux territoires

Selon les chiffres communiqués par le label, les produits estampillés Agri-Ethique ont généré 911 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024, avec un total de 1 050 références. Ces performances témoignent d’une véritable accélération du commerce équitable d’origine française, qui ne se limite plus à un segment marginal. Plus de 4 600 agriculteurs – répartis sur 1 800 exploitations – sont désormais impliqués dans ce modèle, conçu pour garantir des revenus stables et prévisibles.

Le fonctionnement repose sur des contrats pluriannuels, d’une durée minimale de trois ans, liant agriculteurs, transformateurs et distributeurs. L’objectif est clair : lutter contre la volatilité des marchés agricoles et offrir aux producteurs une visibilité à long terme. Cette approche, inspirée par les pratiques de commerce équitable Sud/Nord, trouve ici une application concrète aux réalités françaises.

Une réponse aux dérives du marché mondialisé

Agri-Ethique n’est pas né par hasard. Le label a vu le jour en 2014, initié par une coopérative agricole de Vendée, dans le sillage de la crise économique de 2007-2009. Cette période avait mis en lumière la vulnérabilité des producteurs français face aux fluctuations des marchés mondiaux, notamment dans le secteur des céréales. Il fallait trouver un moyen de sécuriser les revenus des exploitations en créant des circuits plus courts, plus stables, et plus solidaires.

Aujourd’hui, cette initiative locale est devenue une référence nationale. Des marques emblématiques comme Brets pour les chips ou Labeyrie pour les produits à base de canard ont récemment rejoint l’aventure. Leur engagement témoigne de l’attractivité croissante du modèle : il ne s’agit plus seulement de responsabilité sociétale, mais aussi d’une stratégie d’approvisionnement fiable et durable.

Une nouvelle façon de consommer local

« On ne parle pas seulement de consommation responsable, on parle de stabilité financière et de vision de long terme », insiste Ludovic Brindejonc, directeur du label. Pour lui, l’engouement des consommateurs pour les produits Agri-Ethique reflète une mutation en profondeur des attentes citoyennes. Fini le temps où l’équitable se cantonnait aux bananes ou au chocolat importé. Aujourd’hui, il est aussi question de farine, de lait ou de confitures produites à quelques kilomètres du domicile.

La progression du commerce équitable français ne se limite pas à Agri-Ethique. D’autres labels, comme Bio Équitable en France, se développent également, avec des cahiers des charges similaires. L’ensemble de ces initiatives repose sur la création de filières organisées, transparentes et durables. Dans un contexte de transition agricole et alimentaire, elles permettent aux exploitations françaises de gagner en résilience, tout en répondant à une demande croissante de produits locaux, sains et éthiques.

Vers une généralisation du modèle ?

Le succès rencontré par Agri-Ethique semble indiquer que le commerce équitable français a franchi un cap. Ce n’est plus une niche, mais une tendance de fond. Pour les marques, c’est aussi une opportunité de se différencier, à l’heure où les consommateurs scrutent de plus en plus la traçabilité, la rémunération des producteurs et l’impact environnemental de leurs achats.

Ce modèle peut-il s’étendre à l’ensemble de l’agriculture française ? Si des freins subsistent – notamment en termes de structuration de certaines filières ou de coût pour le consommateur –, les bases posées par les labels existants offrent une perspective crédible. En conjuguant équité, souveraineté alimentaire et transparence, le commerce équitable « origine France » a sans doute encore de beaux jours devant lui.

Le chocolat à la pistache fait fondre les stocks et grimper les prix

Propulsée par les réseaux sociaux, la folie du chocolat fourré à la crème de pistache bouleverse la filière : ruée en boutique, tensions sur les approvisionnements, flambée des prix.
Une effervescence sans précédent autour du chocolat à la pistache

Initialement populaire dans les pays du Golfe, la tablette de chocolat à la crème de pistache a envahi les réseaux sociaux européens ces derniers mois. TikTok, Instagram et autres plateformes regorgent de vidéos où consommateurs et influenceurs célèbrent cette gourmandise venue d’ailleurs. La tendance, comparable aux razzias de produits iconiques par le passé, est désormais solidement ancrée dans l’Hexagone.

À l’instar de Frédéric Meysman, nombreux sont les artisans qui voient leur boutique littéralement assaillie. « C’est la folie », confie le chocolatier, qui témoigne d’un afflux inédit de clients venus parfois de loin. Sur le parking même de son magasin, les clients n’hésitent pas à entamer leur tablette devant la caméra de leur smartphone, preuve de l’immédiateté du phénomène.

Le succès ne se limite pas à la France. Allemands, Belges ou encore Néerlandais se rendent eux aussi dans les établissements qui proposent ce chocolat devenu viral. Ce flux transfrontalier donne à la pistache chocolatée une dimension européenne, illustrant une nouvelle fois le pouvoir de prescription massif des réseaux sociaux.

Des tensions sur les approvisionnements en pistaches

Face à une demande exponentielle, l’approvisionnement en pistaches est devenu un casse-tête. Frédéric Meysman explique avoir dû parcourir « des centaines de kilomètres » pour trouver la variété spécifique de pistaches nécessaires à ses recettes, ses fournisseurs habituels étant désormais à court.

Le prix de la pistache n’a pas tardé à s’envoler sous l’effet conjugué de l’engouement et d’une offre insuffisante. En un an, le kilo est passé de 15 à 20 euros, soit une hausse de près de 30 %. Le chocolat à la pistache, devenu produit star, subit ainsi une inflation qui impacte directement les professionnels de la filière et, par ricochet, les consommateurs.

La flambée des prix ne s’explique pas uniquement par l’effet de mode. Aux États-Unis, premier producteur mondial, la récolte de l’an dernier a été mauvaise, réduisant l’offre disponible sur le marché international. « La qualité était bonne, mais les quantités étaient faibles », précise Guillaume Vermeylen, économiste à l’UMons, renforçant ainsi les tensions sur le marché.

Une tendance durable ou un feu de paille gourmand ?

Le chocolat à la pistache s’inscrit dans une nouvelle culture de la consommation rapide et du partage numérique : un produit est acheté, consommé et exhibé presque immédiatement. Cette « snack-culture », accentuée par les réseaux sociaux, change les règles de la demande et impose une réactivité inédite aux professionnels.

Comme toute tendance fulgurante, celle-ci pourrait s’essouffler aussi vite qu’elle a émergé. Certains chocolatiers redoutent une saturation, une lassitude des consommateurs ou une démultiplication de copies de moindre qualité, qui terniraient l’image du produit original et entraîneraient une chute brutale de la demande.

Au-delà de la mode passagère, la success story de la tablette pistache pousse les artisans et industriels à repenser leur offre : plus de créativité, plus d’audace dans les associations de saveurs. L’épisode actuel pourrait bien ouvrir une ère nouvelle pour le marché du chocolat, où l’innovation gourmande sera désormais dictée autant par le talent des chocolatiers que par l’algorithme des réseaux sociaux.



Café Coton en liquidation : la marque cherche un repreneur

La marque de chemises haut de gamme, bien connue des amateurs de prêt-à-porter masculin, est en procédure de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité. Un appel d’offres est lancé, offrant une opportunité stratégique pour tout investisseur du secteur textile.
Une enseigne emblématique fragilisée par les crises

Fondée en 1990, Café Coton s’est taillée une réputation d’excellence dans le prêt-à-porter masculin. Spécialisée dans la chemise haut de gamme, l’entreprise a su s’implanter dans des emplacements stratégiques à Paris, en province et à l’international. Son réseau se compose de 27 boutiques en propre et 33 magasins partenaires. À cela s’ajoute une activité e-commerce, qui connaît toutefois un essor limité face à la concurrence numérique mondialisée.

Le groupe repose sur deux entités : la filiale d’exploitation Café Coton SAS, et la holding SAS Charlot, maison mère du dispositif. En 2024, Café Coton SAS a enregistré un chiffre d’affaires de 35,28 millions d’euros, contre seulement 1,05 million pour la holding. Malgré une activité commerciale réelle, les tensions de trésorerie se sont accumulées, conduisant à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité, placée sous l’autorité du tribunal de commerce de Paris.

Sous la direction de Maître Catherine Poli (SELARL AJRS), un appel d’offres a été lancé. L’objectif est clair : trouver un repreneur solide d’ici la date limite du 6 mai 2025 à 16h00. L’enjeu est de préserver l’activité, mais aussi de sauvegarder près de 114 emplois sur l’ensemble des entités. Selon nos informations exclusives, confirmées par des sources proches du dossier, plusieurs marques concurrentes du secteur textile auraient manifesté un intérêt pour une reprise partielle ou globale.

Une opportunité unique pour les investisseurs du textile

Le marché du prêt-à-porter masculin est en pleine transformation : digitalisation accrue, nouveaux comportements d’achat, sensibilité environnementale. Dans ce contexte, la reprise de Café Coton offre à tout acteur du textile une chance rare d’acquérir une marque installée, dotée d’un fichier client fidélisé et d’un savoir-faire reconnu dans la chemiserie. Pour les investisseurs, il s’agit d’un levier stratégique de repositionnement, ou d’un élargissement de portefeuille.

Le principal atout de Café Coton réside dans la notoriété de sa marque, sa maîtrise de la chaîne d’approvisionnement et son réseau de boutiques. L’entreprise dispose aussi d’un stock structuré, de contrats de distribution, et d’un personnel qualifié. Les éléments mis à disposition dans la dataroom électronique sont accessibles après signature d’un engagement de confidentialité et paiement de frais de dossier. Une analyse approfondie de la structure laisse entrevoir des marges de manœuvre, notamment sur le développement digital et l’optimisation des flux logistiques.

La procédure de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité encadre strictement la cession. Elle garantit aux candidats repreneurs un processus sécurisé, avec l’appui du tribunal de commerce et des organes judiciaires compétents. Cette formule permet également d’éventuelles reprises d’actifs isolés, offrant de la souplesse dans la structuration du projet industriel ou commercial.

 

La situation de Café Coton illustre les tensions structurelles qui frappent le secteur du prêt-à-porter français. Malgré une notoriété solide et un réseau bien implanté, la marque n’a pas résisté à l’érosion de ses marges, à la transformation des habitudes de consommation et à une conjoncture économique défavorable. L’appel d’offres actuellement en cours représente l’ultime chance de préserver ce fleuron du textile masculin. Reste à savoir si un repreneur saura conjuguer respect de l’héritage et vision d’avenir.



Budget 2026 : la rigueur sous contrainte

Face à un déficit public qui échappe aux objectifs, le gouvernement français prépare une cure d’austérité sans précédent. Pour tenir la trajectoire fixée, ce sont 40 milliards d’euros d’économies qui devront être trouvés. Une annonce du ministre délégué Éric Lombard, qui en dit long sur la gravité de la situation budgétaire.
Une trajectoire budgétaire de plus en plus menacée

Lors d’une audition au Sénat le 10 avril, Éric Lombard, nouveau ministre délégué aux Comptes publics, a dressé un constat sans détour : pour respecter l’objectif de ramener le déficit à 2,7 % du PIB d’ici 2027, il manque à l’appel environ 40 milliards d’euros sur l’année 2026. Un chiffre inédit, qui reflète l’ampleur des dérapages accumulés au fil des dernières années, entre dépenses exceptionnelles liées à la crise énergétique, soutien au pouvoir d’achat et revalorisations salariales.

La publication fin mars des chiffres de l’INSEE – qui a confirmé un déficit public à 5,5 % du PIB en 2023 – a agi comme un électrochoc. Elle a notamment conduit Standard & Poor’s à envisager une dégradation de la note de la France, rendant plus coûteux l’endettement. Dans ce contexte, le gouvernement cherche à rassurer les marchés et ses partenaires européens en montrant sa détermination à redresser les finances publiques.

La priorité est donc à l’orthodoxie budgétaire. Mais cette ambition se heurte à une réalité politique difficile : les marges de manœuvre sont limitées, et la majorité présidentielle, affaiblie, devra convaincre pour faire adopter les mesures de rigueur qui s’annoncent.

Des économies massives… mais encore floues

Éric Lombard n’a pas détaillé les pistes précises des économies envisagées. Il a toutefois précisé que l’effort porterait « principalement sur les dépenses », et non sur une hausse des prélèvements obligatoires, une ligne rouge que Bercy entend ne pas franchir. Cette contrainte réduit considérablement le champ des possibles, car nombre de dépenses de l’État sont rigides, voire sanctuarisées (retraites, défense, éducation).

Des rumeurs évoquent un possible coup de rabot sur les niches fiscales, une réforme des aides sociales, ou encore une réduction des dotations aux collectivités territoriales. Ces hypothèses sont politiquement explosives, à un an des élections européennes, dans un climat social déjà tendu.

Par ailleurs, la nécessité de financer la transition écologique et la hausse programmée des taux d’intérêt accroissent encore la pression. Chaque euro économisé devra être arbitré avec prudence, au risque d’alimenter un sentiment d’injustice ou de fracture territoriale.

L’annonce de ce besoin d’économies intervient alors même que les engagements du plan France 2030, les investissements dans l’industrie verte ou la défense continuent de croître. Le gouvernement est donc pris entre deux impératifs contradictoires : rassurer Bruxelles et les agences de notation, tout en évitant une récession budgétaire.

Un tournant politique pour l’exécutif

Au-delà de l’urgence comptable, la déclaration d’Éric Lombard marque une inflexion politique. Emmanuel Macron, qui avait entamé son premier quinquennat sur un discours de « transformation » libérale, avait jusqu’ici évité un retour brutal de la rigueur. L’annonce des 40 milliards d’euros d’économies à trouver pour 2026 sonne comme la fin d’un cycle.

Elle contraint l’exécutif à rompre avec le récit d’un État stratège, capable de conjuguer investissement, soutien social et maîtrise des comptes. Ce virage pourrait s’avérer périlleux dans une opinion publique fatiguée par l’inflation, les réformes impopulaires et l’impression de déclassement.

À droite, Les Républicains réclament des coupes encore plus drastiques, accusant le gouvernement d’avoir « laissé filer la dépense publique ». À gauche, les critiques fusent contre une rigueur jugée idéologique, et dangereuse socialement. Le gouvernement, pris en étau, devra faire preuve de pédagogie, mais aussi de courage politique.

Enfin, cette séquence réactive un débat plus large sur le rôle de l’État dans l’économie, à l’heure où les paradigmes hérités des années 2010 vacillent. Entre impératif de réduction du déficit et exigences écologiques ou sociales, la France s’avance sur une ligne de crête.



1 2 3 27