Affaire Cahuzac : le choix des coupables ?
Le 18 décembre, le président de la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, a rendu son verdict dans l’affaire politico-judiciaire la plus marquante du quinquennat de François Hollande. Un procès hors-norme qui soulève un certain nombre de questions. Derrière la sévérité apparente de la condamnation de l’ancien ministre, se cache en creux un étonnant laxisme à l’égard de certains établissements bancaires.
Pris au piège de la dimension symbolique du procès, Jérôme Cahuzac a écopé d’une sanction particulièrement lourde. Trois ans de prison ferme. Son ex-femme, Patricia, a été condamnée à deux ans de prison ferme. Dernier accusé, la Banque Reyl, qui devra verser près de deux millions d’euros d’amende.
Des peines lourdes qui en imposent. En apparence du moins. Car à y regarder de plus près, c’est surtout la liste des établissements bancaires non poursuivis qui impressionne. Sur les trois millions et demi d’euros cachés par le couple Cahuzac au fisc français, six cent mille ont été placés dans les coffres genevois de la Banque Reyl. Quid des deux millions neuf cent mille restant ?
L’instruction a pourtant permis de localiser l’intégralité des comptes illicites de l’ancien ministre. Et surprise, la liste des banques impliquées compte plusieurs des cadors du secteur bancaire : UBS, Julius Baer, Royal Bank of Scotland, BNP Paribas et la Banque Postale. « Too big to jail », pour détourner le célèbre dicton américain ? Peut-être bien.
Le choix du juge Peimane Ghaleh-Marzban, de ne poursuivre que la plus petite et la moins influente des banques impliquées, pose tout de même des questions. Fallait-il coûte que coûte faire un exemple sans fragiliser un secteur bancaire traumatisé par le tsunami de 2008 ?
La condamnation même de la Banque Reyl porte en elle pas mal d’ambiguïtés. Condamné à une amende, la banque n’a pourtant pas reçu d’interdiction d’exercer une activité bancaire en France. Plus étonnant, le juge a affirmé dans son verdict que l’activité de la banque était conforme à la législation suisse en vigueur. Coupable mais pas responsable ?
Pour justifier cette étrange condamnation et ne pas se justifier sur le sort des autres banques, le tribunal a évoqué « l’instrument de la dissimulation des avoirs ». Comme si l’on condamnait un fabricant de couteaux lorsqu’une victime est poignardée…