Etats Unis-Chine : après le conflit commercial et technologique, vont-ils se livrer une guerre dans la finance ?

Le président américain Donald Trump et son homologue chinois Xi Jin Ping

 

Engagés dans un conflit commercial et technologique depuis plusieurs mois, les Etats Unis et la Chine vont-ils ouvrir un nouveau front dans la finance ?

Une rumeur qui fait trembler les investisseurs

Selon le New York Times l’administration Trump étudierait la possibilité de restreindre les investissements américains en Chine et d’interdire aux sociétés chinoises d’être cotées sur les Bourses américaines. Il s’agit notamment de Baidu – le Google de l’Empire du Milieu – et d’Alibaba – l’Amazon chinois. « Après les tarifs douaniers, la confrontation technologique avec l’épisode Huawei, et les enjeux stratégiques (mer de Chine, terres rares), l’affrontement sino-américain pourrait prendre une dimension financière sans précédent », relève Laurent Schwartz, directeur du Comptoir National de l’Or, spécialiste de l’or d’investissement et de l’expertise de bijoux, cité par le quotidien financier.

« Cette nouvelle a été démentie par le secrétariat au trésor, qui affirme ne pas envisager ces mesures ‘pour l’instant », rassure Laurent Schwartz. Mais, justement, « C’est ce ‘pour l’instant’ qui fait trembler les investisseurs en actions, avec des titres chinois cotés à Wall Street, comme Alibaba, qui ont décroché de plus de 5% vendredi dernier », nuance l’analyste.

La Chine a une carte à jouer

Comme Laurent Schwartz, la plus part des experts du New York Stock Exchange, se demandent si l’administration américaine ne perd pas la tête. « Est-il vraiment opportun de porter la confrontation sur ce terrain, sachant que la Chine détient plus de 1.000 milliards de bons du trésor américain ? », s’interroge l’expert. En effet, dans ce bras de fer qui promet d’être fatal, la Chine dispose de « l’arme nucléaire », à savoir ses colossales réserves de change en obligations d’Etat américaines. Si elle décidait aujourd’hui d’effectuer des ventes massives de titres, les taux d’intérêt à long terme pourraient remonter aux Etats-Unis… Un scenario qui n’arrangerait pas Donald Trump et son administration, abonnés à la surenchère. Justement, Washington compte sur l’effet boomerang, ayant déjà évalué qu’il encaisserait le moindre mal (une prise de risques dangereuse).

« L’arme nucléaire ne devrait être utilisée qu’en dernier recours »

Cette arme nucléaire est à double tranchant, puisqu’en vendant massivement des titres, la Chine verrait la valeur de son trésor de guerre chuter du fait de la baisse des cours de ses obligations souveraines. Dans le même temps, le dollar se déprécierait face au yuan, rendant ainsi les exportations chinoises moins compétitives. C’est pour toutes ces raisons qu’une telle carte ne devrait pas sortir dans le jeu de poker sino-américain. « L’arme des ventes massives d’emprunts d’Etat américains ne devrait être utilisé qu’en dernier recours par la Chine, car elle aurait l’inconvénient de déprécier le dollar face au yuan, ce qui rendrait les produits de l’Empire du milieu encore moins compétitifs. Et ce, alors que les taxes américaines sur les importations de produits chinois rendent déjà ces derniers moins concurrentiels… L’arme des ventes massives de bons du Trésor serait donc contre-productive pour Pékin, dans un contexte de guerre commerciale », souligne Philippe Berthelot, co-directeur de la gestion obligations chez Ostrum Asset Management.