France : l’hydrogène a le vent en poupe, mais…

En France, les projets sur l’hydrogène se multiplient depuis l’annonce par le gouvernement d’un plan à sept milliards d’euros pour booster cette filière d’ici 2030. Mais ils se limitent pour l’instant à l’hydrogène vert, alors qu’il existe une forme naturelle totalement vertueuse sous nos pieds.

Depuis plusieurs années, l’hydrogène est présenté comme le carburant de demain, capable d’éviter à terme l’émission de plusieurs millions de tonnes de CO2 par an. Mais, les gouvernements ont longtemps fait la sourde oreille, misant essentiellement sur l’éolien et le solaire pour leur transition énergétique.

Heureusement, ces derniers mois, ils ont changé de fusils d’épaule et donné enfin à l’hydrogène vert toute la place qu’il mérite. L’Allemagne notamment a annoncé, en juin 2020, un investissement de 9 milliards d’euros dans son industrie énergétique pour devenir numéro un de cette ressource d’ici 2030. Trois mois plus tard la France répliquait en présentant un plan à 7 milliards d’euros au même horizon.

Depuis cette annonce, les industriels de l’énergie multiplient les projets dans l’hydrogène vert. En tête de cette frénésie figure le groupe français Air Liquide. Le géant mondial des gaz a indiqué, le mardi 26 janvier 2021, avoir finalisé la construction d’une unité de production d’hydrogène bas carbone à Bécancour (Québec). Cette installation d’une capacité de 20 MW va produire 8,2 tonnes d’hydrogène bas carbone par jour.

Total fait sa transition énergétique avec l’hydrogène

Air Liquide a aussi des projets en France, notamment avec la jeune entreprise H2V Normandy, qui a mis au point un projet d’usine de fabrication d’hydrogène par électrolyse de l’eau. Total, le géant pétrolier et gazier français vient également de lancer le projet Masshylia, un électrolyseur qui produira jusqu’à 15 tonnes d’hydrogène vert par jour d’ici 2024. Le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, avait déjà indiqué fin 2019 que « la filière hydrogène mérite d’être regardée de plus près ». Comme lui, les patrons de 60 grandes sociétés de l’énergie, des transports et de l’industrie ont pris l’engagement de développer la filière de l’hydrogène vert, plus vertueux que le gris, le turquoise, le bleu et le jaune.

L’hydrogène naturel plus avantageux

Cependant, il y a encore mieux sous nos pieds : l’hydrogène naturel. Contrairement à ce que croyait la communauté scientifique avant les années 2010, cette ressource ne se trouve pas uniquement dans les océans, à des profondeurs difficiles d’accès.

Les géologiques français Alain Prinzhofer et Éric Derville, ainsi que des scientifiques russes, ont prouvé en 2010 qu’il existe d’importantes réserves de ce gaz partout dans le monde, notamment en Russie, aux Etats Unis, au Canada, au Brésil et au Mali.

Dans ce dernier pays, l’exploitation de l’hydrogène naturel se fait depuis 2012 avec Hydroma, une compagnie fondée par le milliardaire malien Aliou Boubacar Diallo. Cette entreprise transforme la ressource en électricité propre pour le village de Bourakébougou.

Un pipeline du Mali jusqu’aux portes de l’Europe

Hydroma a démontré que l’hydrogène naturel est totalement vertueux : abondant, renouvelable, sans émission de C02 et moins cher. Or, l’hydrogène vert nécessite encore d’énormes coûts de production et d’importantes quantités d’eau.

L’Europe gagnerait donc à s’intéresser enfin à ce gaz d’autant que Hydroma vient de se lancer à la conquête du marché européen. Son PDG Aliou Diallo a annoncé, en septembre 2020 sur la chaîne Africable Télévision, qu’il envisage la construction d’un pipeline de 4.700 kilomètres du Mali à l’Espagne pour approvisionner le Vieux continent en énergie propre.

En Attendant, il travaille à donner à son pays et à l’Afrique leur indépendance énergétique.

Aliou Diallo, PDG Hydroma : « On peut transformer l’hydrogène naturel en ammoniac ou le liquéfier pour pouvoir le transporter »

Depuis 2 ou 3 ans, le monde a entamé sa révolution énergétique dans les secteurs d’activité les plus pollueurs. Parmi eux, le transport maritime, qui doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Comment ? Les experts pensent notamment à l’ammoniac, perçu comme le combustible le plus prometteur à brève échéance avec l’hydrogène, dont il peut dériver du second.

Quel candidat pour la transition énergétique de demain ?

Le 2 décembre dernier, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a interpellé l’Humanité sur ses responsabilités dans le réchauffement climatique. Il a notamment pointé du doigt le transport maritime, qui serait le sixième plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde, s’il était un pays. Pour dépolluer ce secteur, plusieurs solutions existent aujourd’hui, mais la plus prometteuse reste l’utilisateur de l’ammoniac dans les salles des machines des navires marchands.

Second composé chimique le plus fabriqué au monde, ce produit possède de nombreux avantages et pourrait bien jouer un rôle dans la transition énergétique de demain. Il est moins inflammable, moins coûteux et surtout ne dégage pas d’émissions de CO2, contrairement aux énergies fossiles. Mais, sa production industrielle contribue à 1,5% des émissions mondiales contre 2,9% pour le transport maritime. Ainsi, il faudra la verdir pour en faire une candidate sérieuse à la transition énergétique.

Aliou Diallo propose une meilleure ressource

Cette ambition passera notamment par l’hydrogène, plus propre dans sa meilleure version. En effet, on peut transformer l’ammoniac en hydrogène ou les mélanger. Mieux, on peut produire ce composé à partir de l’hydrogène. Une ambitieux que s’est fixé un entrepreneur africain du nom d’Aliou Diallo. Ce milliardaire malien a fondé en 2010 Hydroma, une société d’exploration et d’exploitation d’hydrogène naturel. Cette ressource est plus vertueuse que l’hydrogène vert car abondante, renouvelable, sans émissions de CO2 et à moindre coût.

Un pipeline du Mali aux portes de l’Europe

Hydroma se présente actuellement comme pionnière de l’exploitation de l’hydrogène naturel dans le monde. Depuis 2012, elle transforme ce gaz en électricité propre pour le village de Bourakébougou, au Mali, grâce à une unité pilote. Elle continue parallèlement ses forages et vient de lancer une production industrielle. Mais Aliou Diallo voit grand. Il ambitionne exporter son hydrogène naturel dans toute l’Afrique et en Europe. Pour cela, il a prévu de le transformer en ammoniac ou le liquéfier. « Dans notre projet, nous avons programmé de faire un pipeline pour transporter l’hydrogène naturel du Mali au Sénégal, à la Mauritanie, au Maroc, jusqu’à la porte de l’Europe. Donc ça fait 4700 kilomètres. Ce n’est pas un rêve, c’est une réalisation tout à fait faisable », a-t-il récemment indiqué dans une interview sur Africable Télévision.

De l’hydrogène vert dans le Sahel

Dans le cadre de ce projet, le PDG d’Hydroma s’est rendu en Allemagne où il a visité une société en Bavière, spécialisée dans le transport de l’hydrogène avec des iso-conteneurs. « Cela peut être une solution énergétique mixte pour exporter l’hydrogène », insiste-t-il, en précisant que son hydrogène naturel sera moins cher que l’hydrogène vert fabriqué dans les usines en Europe. Ce qui le rendra compétitif. Pour répondre aux besoins du marché actuel, Aliou Diallo a également lancé la production d’hydrogène vert avec la construction de champs de panneaux photovoltaïques dans une dizaine de pays d’Afrique.