Total embarrassé par ses activités en Russie

Le groupe pétrogazier français rechigne à abandonner ses intérêts russes alors que le pays est devenu un paria de la communauté internationale depuis son invasion de l’Ukraine.

En business, tout est question de finances, mais aussi d’image. L’un a toutefois tendance à peser plus lourd que l’autre dans la balance. Pour TotalEnergies (ex Total), le plus important semble avoir rapport à l’espèce sonnante et trébuchante. Du moins concernant la Russie. Et pour cause, l’entreprise française refuse, pour l’heure, de rompre les amarres avec le pays de Vladimir Poutine à un moment où ce dernier s’isole un peu plus chaque jour de la communauté internationale en raison de son invasion de l’Ukraine.

Les sanctions s’abattent en effet sur Moscou et ses intérêts à travers le monde depuis jeudi 24 février marquant le début des hostilités avec Kiev. Plusieurs entreprises russes ou dans lesquelles des proches du Kremlin ou supposés tels ont des actifs sont ainsi mises au ban de la communauté internationale, décidée à faire reculer Poutine par des leviers économiques.

BP, Shell, etc.

La Russie est donc devenue infréquentable. Et toutes les entreprises/ personnalités occidentales y ayant un quelconque intérêt se voient contraintes d’y renoncer. À l’image de la pétrolière BP qui a annoncé, dimanche 27 février, se désengager de son homologue russe Rosneft dont elle détient 19,75 % des parts. Soit un actif de plus de 13 milliards de dollars à liquider.

La firme norvégienne Equinor a également lâché Rosneft le lendemain dans un divorce qui devrait à un peu plus du milliard de dollars. L’anglo-néerlandais Shell lui a emboîté le pas en mettant fin à son partenariat avec Gazprom, l’autre géant russe du gaz par ailleurs lâché par l’UEFA, entre autres.

Total traîne des pieds

Les regards sont donc logiquement désormais tournés vers Total pour lequel la Russie constitue la première source de production à raison de 17% en 2020 selon Le Monde. Sans compter que le géant français du pétrole et du gaz est actionnaire à 19,4% de Novatek, société active dans le domaine du gaz naturel et fondée par Leonid Mikhelson réputé proche de Vladimir Poutine.

Mais il n’est pas question pour la major pétrolière tricolore d’abandonner ces actifs et les autres projets russes dans lesquels elle a des intérêts. Du moins pour l’instant, ainsi que l’ont fait savoir des responsables contactés par Le Monde. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui a laissé entendre lundi qu’il était désormais intenable pour des entreprises françaises de demeurer en Russie, doit prochainement s’entretenir avec le patron de Total, Patrick Pouyanné sur la question.

France : l’hydrogène a le vent en poupe, mais…

En France, les projets sur l’hydrogène se multiplient depuis l’annonce par le gouvernement d’un plan à sept milliards d’euros pour booster cette filière d’ici 2030. Mais ils se limitent pour l’instant à l’hydrogène vert, alors qu’il existe une forme naturelle totalement vertueuse sous nos pieds.

Depuis plusieurs années, l’hydrogène est présenté comme le carburant de demain, capable d’éviter à terme l’émission de plusieurs millions de tonnes de CO2 par an. Mais, les gouvernements ont longtemps fait la sourde oreille, misant essentiellement sur l’éolien et le solaire pour leur transition énergétique.

Heureusement, ces derniers mois, ils ont changé de fusils d’épaule et donné enfin à l’hydrogène vert toute la place qu’il mérite. L’Allemagne notamment a annoncé, en juin 2020, un investissement de 9 milliards d’euros dans son industrie énergétique pour devenir numéro un de cette ressource d’ici 2030. Trois mois plus tard la France répliquait en présentant un plan à 7 milliards d’euros au même horizon.

Depuis cette annonce, les industriels de l’énergie multiplient les projets dans l’hydrogène vert. En tête de cette frénésie figure le groupe français Air Liquide. Le géant mondial des gaz a indiqué, le mardi 26 janvier 2021, avoir finalisé la construction d’une unité de production d’hydrogène bas carbone à Bécancour (Québec). Cette installation d’une capacité de 20 MW va produire 8,2 tonnes d’hydrogène bas carbone par jour.

Total fait sa transition énergétique avec l’hydrogène

Air Liquide a aussi des projets en France, notamment avec la jeune entreprise H2V Normandy, qui a mis au point un projet d’usine de fabrication d’hydrogène par électrolyse de l’eau. Total, le géant pétrolier et gazier français vient également de lancer le projet Masshylia, un électrolyseur qui produira jusqu’à 15 tonnes d’hydrogène vert par jour d’ici 2024. Le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, avait déjà indiqué fin 2019 que « la filière hydrogène mérite d’être regardée de plus près ». Comme lui, les patrons de 60 grandes sociétés de l’énergie, des transports et de l’industrie ont pris l’engagement de développer la filière de l’hydrogène vert, plus vertueux que le gris, le turquoise, le bleu et le jaune.

L’hydrogène naturel plus avantageux

Cependant, il y a encore mieux sous nos pieds : l’hydrogène naturel. Contrairement à ce que croyait la communauté scientifique avant les années 2010, cette ressource ne se trouve pas uniquement dans les océans, à des profondeurs difficiles d’accès.

Les géologiques français Alain Prinzhofer et Éric Derville, ainsi que des scientifiques russes, ont prouvé en 2010 qu’il existe d’importantes réserves de ce gaz partout dans le monde, notamment en Russie, aux Etats Unis, au Canada, au Brésil et au Mali.

Dans ce dernier pays, l’exploitation de l’hydrogène naturel se fait depuis 2012 avec Hydroma, une compagnie fondée par le milliardaire malien Aliou Boubacar Diallo. Cette entreprise transforme la ressource en électricité propre pour le village de Bourakébougou.

Un pipeline du Mali jusqu’aux portes de l’Europe

Hydroma a démontré que l’hydrogène naturel est totalement vertueux : abondant, renouvelable, sans émission de C02 et moins cher. Or, l’hydrogène vert nécessite encore d’énormes coûts de production et d’importantes quantités d’eau.

L’Europe gagnerait donc à s’intéresser enfin à ce gaz d’autant que Hydroma vient de se lancer à la conquête du marché européen. Son PDG Aliou Diallo a annoncé, en septembre 2020 sur la chaîne Africable Télévision, qu’il envisage la construction d’un pipeline de 4.700 kilomètres du Mali à l’Espagne pour approvisionner le Vieux continent en énergie propre.

En Attendant, il travaille à donner à son pays et à l’Afrique leur indépendance énergétique.