TVA sociale : l’U2P veut cibler le luxe, pas les familles

Face à l’inflation et à la crise du pouvoir d’achat, l’Union des entreprises de proximité défend une TVA sociale recentrée sur les produits de luxe.
Une TVA sociale sélective pour préserver la consommation courante

Dans une tribune publiée lundi 27 mai, l’Union des entreprises de proximité (U2P), qui représente artisans, commerçants et professions libérales, a formulé une proposition inattendue mais stratégique : appliquer la TVA sociale uniquement aux produits de luxe, tout en épargnant les biens de consommation courante. Dans un contexte de tensions sociales liées à l’inflation alimentaire et énergétique, cette approche vise à protéger le panier moyen des Français, notamment des classes moyennes inférieures et des ménages précaires, souvent les plus sensibles aux hausses de TVA.

La TVA, impôt indirect par excellence, est souvent décriée pour son caractère injuste : elle frappe proportionnellement plus les ménages modestes que les plus aisés. En ciblant les produits de luxe – dont la charge est assumée par une population à fort pouvoir d’achat – l’U2P cherche à réconcilier justice fiscale et efficacité budgétaire. Pour l’organisation patronale, il s’agit non seulement de générer des recettes, mais de le faire en respectant un principe de solidarité implicite : faire financer une part de la protection sociale par ceux qui consomment des biens superflus.

Dans sa prise de position, l’U2P s’inquiète clairement des effets d’une généralisation brutale de la TVA sociale sur l’économie du quotidien. L’organisation alerte sur un risque de « déséquilibre social » si la réforme venait à inclure les produits alimentaires, d’hygiène, ou de première nécessité. Elle pose donc une ligne rouge nette : ne pas alourdir la facture des foyers sur les achats essentiels. C’est là une manière habile de soutenir à la fois la consommation domestique, la paix sociale et la stabilité du tissu économique local.

Réformer le financement social sans pénaliser l’emploi

La TVA sociale a pour vocation de remplacer une partie des cotisations sociales patronales par une fiscalité à la consommation. Ce mécanisme, déjà expérimenté en partie sous Nicolas Sarkozy, vise à alléger le coût du travail tout en préservant les ressources de la Sécurité sociale. Pour l’U2P, le financement de la solidarité nationale doit évoluer, dans un monde où la compétitivité repose sur des charges sociales moins lourdes, notamment pour les petites entreprises de proximité.

En défendant un schéma dans lequel la consommation de luxe finance la solidarité, l’U2P tente une équation subtile : stimuler l’emploi sans sacrifier la protection sociale. Contrairement à d’autres approches qui reposent sur des baisses de cotisations non compensées, la proposition de l’organisation vise à maintenir le niveau de protection tout en transférant intelligemment la charge fiscale. Pour les entreprises artisanales et les commerces de centre-ville, c’est un rééquilibrage attendu de longue date.

L’intérêt de la proposition de l’U2P tient aussi à sa prise en compte des réalités de terrain. Les secteurs représentés – artisans, commerçants, professions libérales – sont confrontés quotidiennement à la baisse de la consommation et à la montée des charges. En articulant compétitivité et justice fiscale, l’U2P propose une alternative à la rhétorique du « moins d’impôts » : il s’agit ici de repenser l’assiette, non de réduire aveuglément les prélèvements.

Une réforme sensible aux multiples implications politiques

La simple évocation d’une hausse de TVA suffit souvent à raviver les tensions sociales. Ce fut le cas lors du quinquennat Sarkozy, et le gouvernement actuel avance prudemment sur cette piste. En proposant une version ciblée, l’U2P cherche à déminer le débat et à montrer qu’une réforme fiscale peut être socialement acceptable. Reste que tout relèvement de taxe reste un sujet politiquement explosif, en particulier à la veille d’échéances électorales majeures.

Dans un contexte budgétaire tendu et face à l’essoufflement des leviers classiques de financement de la protection sociale, la piste défendue par l’U2P pourrait faire son chemin. À Bercy comme à Matignon, plusieurs voix réfléchissent à une réforme fiscale « par le haut », qui ne se traduirait pas par une austérité directe, mais par une redistribution plus intelligente des prélèvements. Le ciblage sur les produits de luxe offre ici une réponse à la fois lisible, symbolique et potentiellement consensuelle.

En publiant cette proposition, l’U2P ne s’adresse pas uniquement aux techniciens de Bercy. Elle envoie un signal politique, à la fois vers les décideurs publics et vers une opinion inquiète de l’avenir de son pouvoir d’achat. À l’heure où la fiscalité devient un marqueur politique majeur, le discours de « justice dans la contribution » pourrait redéfinir les contours du consentement à l’impôt. Et replacer le débat sur la TVA dans un cadre plus constructif qu’à l’accoutumée.



Revolut parie un milliard sur la France

La néobanque britannique va investir un milliard d’euros dans l’Hexagone et y installer son siège pour l’Europe de l’Ouest. Un signal fort au sommet Choose France.

Un ancrage stratégique renforcé sur le sol français

C’est une annonce qui n’a pas échappé aux investisseurs comme aux autorités françaises. Lors du sommet Choose France, organisé par l’Élysée à Versailles pour séduire les capitaux étrangers, Revolut a frappé fort : la fintech britannique annonce un investissement d’un milliard d’euros sur trois ans dans l’Hexagone. Ce plan d’envergure s’accompagne d’une décision hautement symbolique : l’établissement à Paris du siège de Revolut pour l’Europe de l’Ouest. Jusqu’ici éclatée entre Londres et Vilnius (Lituanie), l’organisation de la société s’ancre désormais plus fermement dans un pays membre de la zone euro, à la fois cœur politique et financier de l’Union européenne. Avec plus de cinq millions d’utilisateurs en France, Revolut reconnaît dans l’Hexagone non seulement un marché porteur mais aussi une base stratégique pour son développement continental.

Cette décision s’inscrit également dans un mouvement plus large de relocalisation post-Brexit des activités financières, Paris devenant de plus en plus un pôle d’attraction pour les grands acteurs de la tech financière. Pour Revolut, qui ambitionne de concurrencer les banques traditionnelles sur leur propre terrain, il s’agit de se rapprocher de ses clients mais aussi des régulateurs continentaux, dans un cadre juridique plus stable que celui du Royaume-Uni.

Ce plan d’investissement d’un milliard d’euros ne se limite pas à une installation de façade. Il implique aussi des engagements concrets en matière d’emploi et de services. Revolut prévoit ainsi d’embaucher plus de 200 collaborateurs supplémentaires en France, venant s’ajouter aux 300 déjà présents. Les profils visés sont hautement qualifiés : développeurs, ingénieurs, juristes bancaires, spécialistes du risque ou encore experts de la conformité réglementaire. La France est ici vue comme un vivier de talents, notamment grâce à la qualité de ses formations en ingénierie et en mathématiques financières.

En parallèle, Revolut confirme son intention de solliciter une licence bancaire complète auprès de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), ce qui lui permettrait d’aller bien au-delà de son offre actuelle de comptes courants ou de cartes de paiement. L’obtention de cette licence ouvrirait la voie à la distribution de crédits (immobiliers notamment), de produits d’épargne réglementés (Livret A, assurance-vie) et à la gestion de patrimoine. Bref, à une véritable transformation de Revolut en banque universelle, à l’image de ses concurrentes françaises comme BNP Paribas ou le Crédit Agricole.

Une confiance renforcée dans l’écosystème français

Le choix de Revolut n’est pas anodin. Dans un contexte de compétition accrue entre grandes capitales européennes pour attirer les sièges sociaux et les centres de décision des géants de la tech, la France tire ici son épingle du jeu. Plusieurs facteurs expliquent ce tropisme : un marché de consommateurs bancarisés, une population jeune et férue de solutions mobiles, une politique fiscale relativement stable pour les entreprises numériques, et un environnement réglementaire favorable à l’innovation. À cela s’ajoute une volonté politique affirmée de faire de la France une terre d’accueil pour la finance du futur.

Revolut ne fait ici que rejoindre un mouvement plus large de grandes entreprises technologiques ayant récemment renforcé leur présence en France : Amazon, Microsoft, Meta ou encore JPMorgan Chase ont tous investi massivement ces dernières années, portés par les politiques pro-entreprises menées depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Le gouvernement mise sur ce type d’annonce pour faire de Paris un hub incontournable dans la chaîne de valeur des fintechs européennes.

Le sommet Choose France, voulu par Emmanuel Macron depuis 2018, est devenu un moment symbolique de la stratégie d’attractivité française. Il permet de sceller des accords majeurs avec les entreprises étrangères et de faire valoir les atouts de l’économie nationale. L’annonce de Revolut a été saluée par les plus hautes autorités de l’État, à commencer par le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, qui a déclaré : « Cet investissement démontre la solidité du modèle économique français et notre capacité à attirer les entreprises les plus dynamiques du secteur financier. »

Cette annonce a aussi été interprétée comme une réponse à ceux qui doutaient encore de la capacité de la France à rivaliser avec Londres, Amsterdam ou Francfort. L’implantation de Revolut, qui n’avait pas initialement fait de la France sa priorité continentale, vient confirmer un retournement d’image positif. Pour les pouvoirs publics, c’est une victoire politique, mais aussi un levier d’image, notamment à l’approche des prochaines échéances électorales.

Une expansion européenne méthodique mais ambitieuse

Revolut ne cache plus ses ambitions de leadership européen. Déjà présente dans plus de 30 pays, avec 55 millions d’utilisateurs dans le monde, la néobanque entend accélérer en France, où elle prévoit de doubler sa base de clients d’ici à la fin de l’année 2026. Cela implique un déploiement plus agressif de ses services, une campagne de communication de grande ampleur, et surtout une montée en puissance de ses services premium (Revolut Metal, Revolut Ultra), ciblant une clientèle urbaine, mobile et fortunée. En parallèle, l’entreprise compte développer davantage ses offres pour les professionnels et les indépendants, un segment encore peu exploité mais à très fort potentiel.

Cette stratégie s’accompagnera sans doute de partenariats commerciaux avec des acteurs français : distributeurs, fintechs locales, voire assureurs. L’objectif est clair : faire de Revolut un acteur incontournable dans tous les usages bancaires quotidiens, au-delà de sa réputation actuelle centrée sur les voyageurs et les adeptes de cryptoactifs.

Si Paris devient le centre opérationnel de l’Europe de l’Ouest, Revolut n’abandonne pas pour autant son siège historique de Vilnius en Lituanie. C’est depuis ce pays balte que l’entreprise détient sa licence bancaire européenne (depuis le Brexit), et cette base restera clé pour son développement en Europe centrale et orientale. La stratégie de Revolut repose désormais sur un double pilier : Paris pour le développement commercial, le marketing et les partenariats à l’Ouest, Vilnius pour les opérations financières, la conformité et le suivi réglementaire à l’Est.

Cette architecture bicéphale permet à Revolut d’optimiser sa couverture géographique tout en limitant les risques opérationnels. En internalisant progressivement les fonctions clés dans chacun de ces hubs, l’entreprise assure sa souveraineté technologique et sa réactivité face aux évolutions réglementaires, de plus en plus exigeantes en matière de cybersécurité, de lutte anti-blanchiment et de gestion des risques.



RSA : Wauquiez relance le débat sur les minima sociaux

En affirmant que certains allocataires du RSA pouvaient « gagner plus que des travailleurs », Laurent Wauquiez a jeté un pavé dans la mare. Une déclaration choc qui alimente un vieux débat sur la désincitation au travail et qui mérite d’être confrontée aux faits. Car derrière la rhétorique, la réalité du RSA est bien plus nuancée.
Le RSA : un mécanisme complexe, pensé pour encourager l’activité

Créé en 2009 pour remplacer le RMI, le Revenu de solidarité active (RSA) repose sur une double ambition : garantir un minimum vital aux personnes sans ressources et inciter à la reprise d’activité. Contrairement à une idée reçue, le RSA n’est pas un revenu fixe versé indépendamment de la situation. Son montant varie en fonction de la composition du foyer, des ressources existantes (aides, revenus, pensions), et de l’aide au logement perçue. Pour une personne seule sans enfant, le RSA « socle » s’élève à 607,75 euros par mois en 2024. Mais ce montant est rarement versé dans son intégralité : les bénéficiaires touchant l’APL, par exemple, subissent une réduction forfaitaire de l’ordre de 72 euros. En réalité, très peu de personnes vivent exclusivement de cette somme.

Le RSA ne disparaît pas lorsqu’un bénéficiaire retrouve un emploi. Il devient alors un revenu d’appoint temporaire, destiné à assurer une transition financière vers l’autonomie. Durant les trois premiers mois d’activité, une part importante des revenus d’activité est ignorée dans le calcul du RSA, puis prise en compte progressivement. Ce dispositif, appelé « RSA activité », vise à faire en sorte que chaque heure travaillée augmente les ressources du ménage. L’objectif est clair : éviter les « trappes à inactivité », ces situations où reprendre un emploi à temps partiel ferait perdre plus d’aides qu’il ne rapporterait de revenu. C’est un système incitatif, parfois critiqué pour sa complexité, mais fondé sur un principe fondamental : le travail doit toujours mieux payer que l’inactivité.

Certes, dans de très rares cas, des situations peuvent donner l’impression que l’on « gagne plus » avec le RSA qu’en travaillant. Cela concerne souvent des foyers bénéficiant d’aides multiples (logement, allocations familiales, exonérations diverses), dans des configurations spécifiques (parent isolé avec plusieurs enfants, en logement social). Mais ces cas relèvent davantage d’un empilement de prestations sociales que du seul RSA. Ils sont l’exception, non la règle. La grande majorité des allocataires vit en dessous du seuil de pauvreté, et dans des conditions de grande précarité. Affirmer que le RSA serait globalement plus avantageux que le travail revient à méconnaître profondément son fonctionnement réel.

La déclaration de Laurent Wauquiez : posture politique ou constat fondé ?

Lors d’une prise de parole en avril 2025, Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a déclaré qu’« il existe des situations où l’on gagne davantage avec le RSA qu’en travaillant ». Une phrase choc, taillée pour marquer les esprits et s’inscrire dans la rhétorique d’une droite soucieuse de restaurer « l’ordre du mérite ». Elle n’est pas sans rappeler les discours tenus en 2011 par Nicolas Sarkozy sur « ceux qui partent au travail et croisent ceux qui rentrent se coucher ». En pleine recomposition politique, et alors que les Républicains peinent à se distinguer entre Renaissance et le RN, cette déclaration s’inscrit dans une stratégie de reconquête d’un électorat conservateur attaché à la valeur travail.

De nombreux spécialistes ont rapidement réagi à cette affirmation. Sur Franceinfo, les journalistes de l’émission « Le Vrai du Faux » ont démonté l’argumentaire de Wauquiez en rappelant que le RSA est un filet de sécurité et non une rente. Les économistes soulignent que le modèle français repose sur une redistribution finement articulée, visant à éviter les effets d’aubaine. Les cas où le RSA « rapporterait plus » qu’un emploi à temps partiel sont extrêmement rares, et liés à des interactions complexes entre plusieurs aides sociales. Les associations de lutte contre la pauvreté, comme ATD Quart Monde ou la Fondation Abbé Pierre, dénoncent quant à elles une « stigmatisation des pauvres » et un discours politique qui entretient les amalgames.

Même si les faits contredisent en grande partie l’affirmation de Laurent Wauquiez, le terrain politique sur lequel il s’aventure n’est pas dénué de pertinence stratégique. Dans une France confrontée à une crise du pouvoir d’achat, au sentiment d’injustice sociale et à la défiance envers les institutions, les discours valorisant le travail au détriment de l’assistanat rencontrent une oreille attentive. Le problème, c’est qu’en instrumentalisant des cas extrêmes pour justifier une critique globale du RSA, on risque d’aggraver les fractures sociales, en opposant les travailleurs précaires aux allocataires les plus fragiles.

Entre réforme sociale et valeurs républicaines : que faire du RSA ?

Depuis 2023, le gouvernement expérimente une réforme du RSA dans une vingtaine de départements. Le principe : conditionner le versement de l’allocation à 15 à 20 heures d’activité hebdomadaire, qu’il s’agisse de formations, d’ateliers d’insertion, ou d’actions de recherche d’emploi. Cette logique de « droits et devoirs » entend rétablir un lien dynamique entre aide sociale et insertion professionnelle. Emmanuel Macron l’avait évoqué dès sa campagne présidentielle de 2022 : le RSA ne doit pas être un « guichet », mais un « tremplin ». L’enjeu est de généraliser ce dispositif d’ici 2026, tout en préservant un accompagnement humain, déjà sous tension dans les services sociaux départementaux.

Mais cette réforme se heurte à plusieurs obstacles. D’abord pratiques : nombre de bénéficiaires du RSA cumulent des difficultés sociales, sanitaires ou psychologiques qui rendent difficile une reprise immédiate d’activité. Ensuite politiques : à gauche, des voix s’élèvent contre une vision jugée punitive de l’aide sociale, assimilée à un retour masqué au travail forcé. Dans les territoires concernés, certains agents dénoncent un manque de moyens, un cadrage flou, et une mise en œuvre précipitée. L’efficacité réelle du dispositif reste à prouver, même si les premières évaluations soulignent un taux de participation plutôt positif.

Au fond, le débat sur le RSA interroge la société française sur sa capacité à conjuguer solidarité et responsabilité. Doit-on aider sans condition ou conditionner l’aide à un effort ? Comment récompenser le travail sans stigmatiser les plus précaires ? Faut-il faire primer la logique budgétaire ou la logique humaine ? Derrière les polémiques politiques se cache une question plus fondamentale : quel contrat social voulons-nous pour la France du XXIe siècle ? Le RSA, dans ses failles comme dans ses vertus, en est un révélateur.



Le commerce équitable à la française connaît un essor sans précédent

Le label Agri-Ethique a bouclé une année 2024 exceptionnelle, marquée par une croissance spectaculaire des ventes et des produits référencés. Le commerce équitable, longtemps associé aux pays du Sud, trouve désormais un solide ancrage dans les territoires agricoles français.

Pain, miel, yaourts, chips… Ces produits familiers des rayons de supermarché sont de plus en plus nombreux à arborer un label de commerce équitable d’origine hexagonale. Et le phénomène prend de l’ampleur. En tête de cette dynamique, Agri-Ethique, pionnier du commerce équitable « made in France », vient d’annoncer des résultats record pour l’année 2024, avec des ventes en hausse de 75 % et un tiers de nouvelles références supplémentaires.

Une croissance portée par la fidélité aux territoires

Selon les chiffres communiqués par le label, les produits estampillés Agri-Ethique ont généré 911 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024, avec un total de 1 050 références. Ces performances témoignent d’une véritable accélération du commerce équitable d’origine française, qui ne se limite plus à un segment marginal. Plus de 4 600 agriculteurs – répartis sur 1 800 exploitations – sont désormais impliqués dans ce modèle, conçu pour garantir des revenus stables et prévisibles.

Le fonctionnement repose sur des contrats pluriannuels, d’une durée minimale de trois ans, liant agriculteurs, transformateurs et distributeurs. L’objectif est clair : lutter contre la volatilité des marchés agricoles et offrir aux producteurs une visibilité à long terme. Cette approche, inspirée par les pratiques de commerce équitable Sud/Nord, trouve ici une application concrète aux réalités françaises.

Une réponse aux dérives du marché mondialisé

Agri-Ethique n’est pas né par hasard. Le label a vu le jour en 2014, initié par une coopérative agricole de Vendée, dans le sillage de la crise économique de 2007-2009. Cette période avait mis en lumière la vulnérabilité des producteurs français face aux fluctuations des marchés mondiaux, notamment dans le secteur des céréales. Il fallait trouver un moyen de sécuriser les revenus des exploitations en créant des circuits plus courts, plus stables, et plus solidaires.

Aujourd’hui, cette initiative locale est devenue une référence nationale. Des marques emblématiques comme Brets pour les chips ou Labeyrie pour les produits à base de canard ont récemment rejoint l’aventure. Leur engagement témoigne de l’attractivité croissante du modèle : il ne s’agit plus seulement de responsabilité sociétale, mais aussi d’une stratégie d’approvisionnement fiable et durable.

Une nouvelle façon de consommer local

« On ne parle pas seulement de consommation responsable, on parle de stabilité financière et de vision de long terme », insiste Ludovic Brindejonc, directeur du label. Pour lui, l’engouement des consommateurs pour les produits Agri-Ethique reflète une mutation en profondeur des attentes citoyennes. Fini le temps où l’équitable se cantonnait aux bananes ou au chocolat importé. Aujourd’hui, il est aussi question de farine, de lait ou de confitures produites à quelques kilomètres du domicile.

La progression du commerce équitable français ne se limite pas à Agri-Ethique. D’autres labels, comme Bio Équitable en France, se développent également, avec des cahiers des charges similaires. L’ensemble de ces initiatives repose sur la création de filières organisées, transparentes et durables. Dans un contexte de transition agricole et alimentaire, elles permettent aux exploitations françaises de gagner en résilience, tout en répondant à une demande croissante de produits locaux, sains et éthiques.

Vers une généralisation du modèle ?

Le succès rencontré par Agri-Ethique semble indiquer que le commerce équitable français a franchi un cap. Ce n’est plus une niche, mais une tendance de fond. Pour les marques, c’est aussi une opportunité de se différencier, à l’heure où les consommateurs scrutent de plus en plus la traçabilité, la rémunération des producteurs et l’impact environnemental de leurs achats.

Ce modèle peut-il s’étendre à l’ensemble de l’agriculture française ? Si des freins subsistent – notamment en termes de structuration de certaines filières ou de coût pour le consommateur –, les bases posées par les labels existants offrent une perspective crédible. En conjuguant équité, souveraineté alimentaire et transparence, le commerce équitable « origine France » a sans doute encore de beaux jours devant lui.

Le chocolat à la pistache fait fondre les stocks et grimper les prix

Propulsée par les réseaux sociaux, la folie du chocolat fourré à la crème de pistache bouleverse la filière : ruée en boutique, tensions sur les approvisionnements, flambée des prix.
Une effervescence sans précédent autour du chocolat à la pistache

Initialement populaire dans les pays du Golfe, la tablette de chocolat à la crème de pistache a envahi les réseaux sociaux européens ces derniers mois. TikTok, Instagram et autres plateformes regorgent de vidéos où consommateurs et influenceurs célèbrent cette gourmandise venue d’ailleurs. La tendance, comparable aux razzias de produits iconiques par le passé, est désormais solidement ancrée dans l’Hexagone.

À l’instar de Frédéric Meysman, nombreux sont les artisans qui voient leur boutique littéralement assaillie. « C’est la folie », confie le chocolatier, qui témoigne d’un afflux inédit de clients venus parfois de loin. Sur le parking même de son magasin, les clients n’hésitent pas à entamer leur tablette devant la caméra de leur smartphone, preuve de l’immédiateté du phénomène.

Le succès ne se limite pas à la France. Allemands, Belges ou encore Néerlandais se rendent eux aussi dans les établissements qui proposent ce chocolat devenu viral. Ce flux transfrontalier donne à la pistache chocolatée une dimension européenne, illustrant une nouvelle fois le pouvoir de prescription massif des réseaux sociaux.

Des tensions sur les approvisionnements en pistaches

Face à une demande exponentielle, l’approvisionnement en pistaches est devenu un casse-tête. Frédéric Meysman explique avoir dû parcourir « des centaines de kilomètres » pour trouver la variété spécifique de pistaches nécessaires à ses recettes, ses fournisseurs habituels étant désormais à court.

Le prix de la pistache n’a pas tardé à s’envoler sous l’effet conjugué de l’engouement et d’une offre insuffisante. En un an, le kilo est passé de 15 à 20 euros, soit une hausse de près de 30 %. Le chocolat à la pistache, devenu produit star, subit ainsi une inflation qui impacte directement les professionnels de la filière et, par ricochet, les consommateurs.

La flambée des prix ne s’explique pas uniquement par l’effet de mode. Aux États-Unis, premier producteur mondial, la récolte de l’an dernier a été mauvaise, réduisant l’offre disponible sur le marché international. « La qualité était bonne, mais les quantités étaient faibles », précise Guillaume Vermeylen, économiste à l’UMons, renforçant ainsi les tensions sur le marché.

Une tendance durable ou un feu de paille gourmand ?

Le chocolat à la pistache s’inscrit dans une nouvelle culture de la consommation rapide et du partage numérique : un produit est acheté, consommé et exhibé presque immédiatement. Cette « snack-culture », accentuée par les réseaux sociaux, change les règles de la demande et impose une réactivité inédite aux professionnels.

Comme toute tendance fulgurante, celle-ci pourrait s’essouffler aussi vite qu’elle a émergé. Certains chocolatiers redoutent une saturation, une lassitude des consommateurs ou une démultiplication de copies de moindre qualité, qui terniraient l’image du produit original et entraîneraient une chute brutale de la demande.

Au-delà de la mode passagère, la success story de la tablette pistache pousse les artisans et industriels à repenser leur offre : plus de créativité, plus d’audace dans les associations de saveurs. L’épisode actuel pourrait bien ouvrir une ère nouvelle pour le marché du chocolat, où l’innovation gourmande sera désormais dictée autant par le talent des chocolatiers que par l’algorithme des réseaux sociaux.



Café Coton en liquidation : la marque cherche un repreneur

La marque de chemises haut de gamme, bien connue des amateurs de prêt-à-porter masculin, est en procédure de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité. Un appel d’offres est lancé, offrant une opportunité stratégique pour tout investisseur du secteur textile.
Une enseigne emblématique fragilisée par les crises

Fondée en 1990, Café Coton s’est taillée une réputation d’excellence dans le prêt-à-porter masculin. Spécialisée dans la chemise haut de gamme, l’entreprise a su s’implanter dans des emplacements stratégiques à Paris, en province et à l’international. Son réseau se compose de 27 boutiques en propre et 33 magasins partenaires. À cela s’ajoute une activité e-commerce, qui connaît toutefois un essor limité face à la concurrence numérique mondialisée.

Le groupe repose sur deux entités : la filiale d’exploitation Café Coton SAS, et la holding SAS Charlot, maison mère du dispositif. En 2024, Café Coton SAS a enregistré un chiffre d’affaires de 35,28 millions d’euros, contre seulement 1,05 million pour la holding. Malgré une activité commerciale réelle, les tensions de trésorerie se sont accumulées, conduisant à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité, placée sous l’autorité du tribunal de commerce de Paris.

Sous la direction de Maître Catherine Poli (SELARL AJRS), un appel d’offres a été lancé. L’objectif est clair : trouver un repreneur solide d’ici la date limite du 6 mai 2025 à 16h00. L’enjeu est de préserver l’activité, mais aussi de sauvegarder près de 114 emplois sur l’ensemble des entités. Selon nos informations exclusives, confirmées par des sources proches du dossier, plusieurs marques concurrentes du secteur textile auraient manifesté un intérêt pour une reprise partielle ou globale.

Une opportunité unique pour les investisseurs du textile

Le marché du prêt-à-porter masculin est en pleine transformation : digitalisation accrue, nouveaux comportements d’achat, sensibilité environnementale. Dans ce contexte, la reprise de Café Coton offre à tout acteur du textile une chance rare d’acquérir une marque installée, dotée d’un fichier client fidélisé et d’un savoir-faire reconnu dans la chemiserie. Pour les investisseurs, il s’agit d’un levier stratégique de repositionnement, ou d’un élargissement de portefeuille.

Le principal atout de Café Coton réside dans la notoriété de sa marque, sa maîtrise de la chaîne d’approvisionnement et son réseau de boutiques. L’entreprise dispose aussi d’un stock structuré, de contrats de distribution, et d’un personnel qualifié. Les éléments mis à disposition dans la dataroom électronique sont accessibles après signature d’un engagement de confidentialité et paiement de frais de dossier. Une analyse approfondie de la structure laisse entrevoir des marges de manœuvre, notamment sur le développement digital et l’optimisation des flux logistiques.

La procédure de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité encadre strictement la cession. Elle garantit aux candidats repreneurs un processus sécurisé, avec l’appui du tribunal de commerce et des organes judiciaires compétents. Cette formule permet également d’éventuelles reprises d’actifs isolés, offrant de la souplesse dans la structuration du projet industriel ou commercial.

 

La situation de Café Coton illustre les tensions structurelles qui frappent le secteur du prêt-à-porter français. Malgré une notoriété solide et un réseau bien implanté, la marque n’a pas résisté à l’érosion de ses marges, à la transformation des habitudes de consommation et à une conjoncture économique défavorable. L’appel d’offres actuellement en cours représente l’ultime chance de préserver ce fleuron du textile masculin. Reste à savoir si un repreneur saura conjuguer respect de l’héritage et vision d’avenir.



Budget 2026 : la rigueur sous contrainte

Face à un déficit public qui échappe aux objectifs, le gouvernement français prépare une cure d’austérité sans précédent. Pour tenir la trajectoire fixée, ce sont 40 milliards d’euros d’économies qui devront être trouvés. Une annonce du ministre délégué Éric Lombard, qui en dit long sur la gravité de la situation budgétaire.
Une trajectoire budgétaire de plus en plus menacée

Lors d’une audition au Sénat le 10 avril, Éric Lombard, nouveau ministre délégué aux Comptes publics, a dressé un constat sans détour : pour respecter l’objectif de ramener le déficit à 2,7 % du PIB d’ici 2027, il manque à l’appel environ 40 milliards d’euros sur l’année 2026. Un chiffre inédit, qui reflète l’ampleur des dérapages accumulés au fil des dernières années, entre dépenses exceptionnelles liées à la crise énergétique, soutien au pouvoir d’achat et revalorisations salariales.

La publication fin mars des chiffres de l’INSEE – qui a confirmé un déficit public à 5,5 % du PIB en 2023 – a agi comme un électrochoc. Elle a notamment conduit Standard & Poor’s à envisager une dégradation de la note de la France, rendant plus coûteux l’endettement. Dans ce contexte, le gouvernement cherche à rassurer les marchés et ses partenaires européens en montrant sa détermination à redresser les finances publiques.

La priorité est donc à l’orthodoxie budgétaire. Mais cette ambition se heurte à une réalité politique difficile : les marges de manœuvre sont limitées, et la majorité présidentielle, affaiblie, devra convaincre pour faire adopter les mesures de rigueur qui s’annoncent.

Des économies massives… mais encore floues

Éric Lombard n’a pas détaillé les pistes précises des économies envisagées. Il a toutefois précisé que l’effort porterait « principalement sur les dépenses », et non sur une hausse des prélèvements obligatoires, une ligne rouge que Bercy entend ne pas franchir. Cette contrainte réduit considérablement le champ des possibles, car nombre de dépenses de l’État sont rigides, voire sanctuarisées (retraites, défense, éducation).

Des rumeurs évoquent un possible coup de rabot sur les niches fiscales, une réforme des aides sociales, ou encore une réduction des dotations aux collectivités territoriales. Ces hypothèses sont politiquement explosives, à un an des élections européennes, dans un climat social déjà tendu.

Par ailleurs, la nécessité de financer la transition écologique et la hausse programmée des taux d’intérêt accroissent encore la pression. Chaque euro économisé devra être arbitré avec prudence, au risque d’alimenter un sentiment d’injustice ou de fracture territoriale.

L’annonce de ce besoin d’économies intervient alors même que les engagements du plan France 2030, les investissements dans l’industrie verte ou la défense continuent de croître. Le gouvernement est donc pris entre deux impératifs contradictoires : rassurer Bruxelles et les agences de notation, tout en évitant une récession budgétaire.

Un tournant politique pour l’exécutif

Au-delà de l’urgence comptable, la déclaration d’Éric Lombard marque une inflexion politique. Emmanuel Macron, qui avait entamé son premier quinquennat sur un discours de « transformation » libérale, avait jusqu’ici évité un retour brutal de la rigueur. L’annonce des 40 milliards d’euros d’économies à trouver pour 2026 sonne comme la fin d’un cycle.

Elle contraint l’exécutif à rompre avec le récit d’un État stratège, capable de conjuguer investissement, soutien social et maîtrise des comptes. Ce virage pourrait s’avérer périlleux dans une opinion publique fatiguée par l’inflation, les réformes impopulaires et l’impression de déclassement.

À droite, Les Républicains réclament des coupes encore plus drastiques, accusant le gouvernement d’avoir « laissé filer la dépense publique ». À gauche, les critiques fusent contre une rigueur jugée idéologique, et dangereuse socialement. Le gouvernement, pris en étau, devra faire preuve de pédagogie, mais aussi de courage politique.

Enfin, cette séquence réactive un débat plus large sur le rôle de l’État dans l’économie, à l’heure où les paradigmes hérités des années 2010 vacillent. Entre impératif de réduction du déficit et exigences écologiques ou sociales, la France s’avance sur une ligne de crête.



Centres de santé : l’État serre la vis contre les fraudeurs

L’Assurance Maladie a procédé au déconventionnement de sept centres de santé soupçonnés de fraudes massives. Le préjudice s’élèverait à plus de 6,6 millions d’euros. Une opération coup de poing qui vise à assainir un secteur en pleine expansion.
Une fraude massive révélée au grand jour

L’Assurance Maladie a identifié sept centres de santé — répartis sur plusieurs régions françaises — accusés d’avoir contourné les règles de remboursement de la Sécurité sociale. Ces structures, conventionnées comme prestataires de soins, auraient systématiquement facturé des actes fictifs ou médicalement injustifiés, parfois en l’absence même du patient.

Le préjudice financier est estimé à 6,6 millions d’euros. Les établissements incriminés auraient mis en place des pratiques frauduleuses sophistiquées : facturation de soins non réalisés, démultiplication d’actes pour un même patient, ou encore recours à des médecins salariés peu scrupuleux. Dans certains cas, des mineurs ont même été utilisés pour gonfler artificiellement le nombre de consultations.

Face à la gravité des faits, l’Assurance Maladie a décidé de frapper fort : ces centres ont été déconventionnés, c’est-à-dire exclus du système de remboursement. Cette mesure, rarissime, les empêche désormais d’être remboursés par la Sécurité sociale, coupant court à leur modèle économique frauduleux. D’autres procédures, notamment judiciaires, pourraient suivre.

Un secteur sous tension, entre dérives et croissance

Depuis plusieurs années, les centres de santé fleurissent sur le territoire, portés par la promesse de soins accessibles sans avance de frais. Souvent gérés par des structures privées à but lucratif, ils recrutent des professionnels en nombre pour répondre à la demande. Mais cette expansion rapide a aussi ouvert la porte à des dérives, notamment dans les grandes métropoles.

Ce n’est pas la première fois que des abus sont constatés dans ce secteur. Dès 2022, un rapport parlementaire alertait sur le manque de contrôle, l’opacité des structures juridiques et les risques de pratiques commerciales agressives. Failles dans le contrôle médical, manque de transparence sur les propriétaires réels, rotation importante des praticiens : le système est souvent difficile à réguler.

Au cœur de cette mécanique, le patient devient parfois un simple prétexte. Certains témoignages évoquent des incitations à multiplier les rendez-vous, des soins inutiles proposés voire imposés, ou encore des rendez-vous fictifs à l’insu même de l’assuré. Si les victimes ne sont pas directement touchées financièrement, leur identité a pu être utilisée à leur insu dans des circuits opaques.

Vers un durcissement du cadre légal

Le gouvernement, par la voix de la ministre déléguée à l’Organisation territoriale et aux Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, a promis de renforcer les contrôles sur les centres de santé. Un plan de réforme est en cours de finalisation, avec l’objectif d’améliorer la transparence, d’imposer des obligations de qualité, et de renforcer les moyens de l’Assurance Maladie pour mener des enquêtes.

De nombreuses voix dans le monde médical réclament une clarification du statut des centres de santé. Pour les syndicats de médecins libéraux, ces structures faussent la concurrence et attirent certains praticiens par des promesses salariales peu encadrées. D’autres y voient une porte d’entrée pour des fonds d’investissement qui visent plus le profit que la santé publique.

Enfin, l’affaire rappelle l’importance du rôle des assurés dans la prévention des fraudes. L’Assurance Maladie invite chaque patient à vérifier ses relevés de soins, signaler tout acte non effectué, et faire preuve de prudence. Car si le système de santé repose sur la solidarité, celle-ci ne peut être durable que si elle n’est pas exploitée à des fins lucratives.



Amérique : les commerces frappés par les licenciements de masse

Aux États-Unis, la vague de licenciements massifs commence à faire sentir ses effets dans les commerces de proximité. Derrière les chiffres, c’est toute une économie locale qui vacille, tandis que l’incertitude pèse sur les classes moyennes et populaires.
Une vague de licenciements qui bouleverse l’économie locale

Les licenciements de masse sont devenus un phénomène récurrent aux États-Unis ces derniers mois. Dans le secteur de la tech, de grandes entreprises comme Amazon, Google ou Meta ont annoncé des coupes drastiques dans leurs effectifs. L’industrie manufacturière n’est pas épargnée, avec des usines fermant leurs portes ou réduisant leur production. Même les services, traditionnellement plus résilients, subissent une pression croissante. Ce mouvement, qui touche des dizaines de milliers de travailleurs, trouve son origine dans plusieurs facteurs : ralentissement économique, incertitudes géopolitiques, inflation persistante et transformations technologiques. Le marché du travail, qui semblait florissant après la pandémie, s’oriente désormais vers une période plus sombre.

Lorsque les grandes entreprises licencient en masse, l’impact se répercute bien au-delà des bureaux et des usines. Les petits commerces, déjà fragilisés par la concurrence du commerce en ligne et la hausse des loyers, se retrouvent en première ligne de la crise. Moins de pouvoir d’achat signifie moins de clients dans les restaurants, les épiceries et les magasins de proximité. Dans certaines villes, les propriétaires de petites entreprises constatent une baisse de fréquentation inquiétante. À New York, un restaurateur confie que ses ventes ont chuté de 20 % en quelques mois. À Los Angeles, un libraire indépendant s’inquiète de voir son chiffre d’affaires s’effondrer face aux arbitrages budgétaires de ses clients. Ce sont ces commerces qui font vivre l’économie locale, et leur déclin pourrait entraîner un cercle vicieux difficile à enrayer.

Le phénomène ne se limite pas aux commerces. Une fois le pouvoir d’achat en berne, c’est toute une chaîne qui se déséquilibre. Les propriétaires immobiliers font face à des retards de paiement des loyers, les banques s’inquiètent d’une hausse des impayés, et même les services municipaux ressentent la pression, avec des baisses potentielles de recettes fiscales. La dynamique économique repose sur une circulation fluide des richesses : dès qu’un maillon cède, les conséquences se propagent. Si cette tendance se confirme, certains économistes redoutent une nouvelle vague de fermetures d’entreprises, accélérant encore le ralentissement en cours.

Des travailleurs entre résignation et colère

Derrière ces chiffres et ces tendances économiques, ce sont des vies qui basculent. Pour les travailleurs licenciés, la perte d’un emploi signifie souvent bien plus qu’une simple difficulté financière temporaire. Aux États-Unis, où la protection sociale est limitée, perdre son emploi peut entraîner la perte de l’assurance maladie, l’accumulation de dettes, voire l’impossibilité de se loger. Dans certains États, les allocations chômage ne couvrent qu’une fraction du salaire initial, et leur durée est souvent réduite. Beaucoup se retrouvent à jongler entre petits boulots précaires, emplois sous-payés et démarches pour retrouver un poste stable. Mais dans un marché de l’emploi saturé par la concurrence, les perspectives restent incertaines.

Face à cette précarisation, la frustration grandit. De plus en plus de travailleurs dénoncent une logique financière où les profits des actionnaires priment sur la stabilité de l’emploi. Les grandes entreprises, qui affichent encore des bénéfices colossaux, sont accusées de sacrifier l’humain au nom de la rentabilité. Ce sentiment d’injustice alimente un malaise social profond. Dans certaines villes, des manifestations spontanées ont vu le jour, rassemblant employés licenciés, commerçants en difficulté et militants syndicaux. Ces derniers, longtemps affaiblis aux États-Unis, tentent de retrouver une voix dans le débat public. Loin d’être marginale, cette colère pourrait bien jouer un rôle déterminant dans le climat politique des mois à venir.

Au-delà des conséquences économiques immédiates, cette crise des licenciements sape un des piliers de l’identité américaine : la promesse d’une ascension sociale par le travail. Depuis des décennies, le « rêve américain » repose sur l’idée que l’effort et la persévérance garantissent la réussite. Mais aujourd’hui, même les travailleurs les plus qualifiés et les plus engagés ne sont pas à l’abri d’un licenciement brutal. Ce désenchantement généralisé nourrit une angoisse diffuse, notamment chez les jeunes générations, qui voient leur avenir s’assombrir. Entre la flambée des prix de l’immobilier, l’endettement massif des étudiants et l’incertitude du marché du travail, le pessimisme gagne du terrain.

Une équation politique explosive à l’approche de la présidentielle

À l’approche de l’élection présidentielle de novembre 2024, cette situation devient un enjeu central pour les candidats. Donald Trump, en campagne pour un retour à la Maison-Blanche, n’a pas tardé à utiliser ces licenciements comme argument contre Joe Biden. Selon lui, la politique économique des démocrates, jugée trop interventionniste et bureaucratique, freine la croissance et décourage les entreprises. Il promet un retour à une dérégulation massive pour relancer l’emploi. De son côté, Joe Biden met en avant les efforts de son administration pour soutenir l’économie, notamment par des investissements dans les infrastructures et des incitations fiscales pour les entreprises qui maintiennent leurs emplois aux États-Unis. Mais dans l’opinion publique, le scepticisme demeure.

Malgré les discours de campagne, aucune solution miracle ne semble émerger. Les démocrates défendent un renforcement de la protection sociale et des aides à la reconversion, tandis que les républicains prônent un allègement fiscal pour encourager l’embauche. Mais ni l’une ni l’autre de ces approches ne répond à l’urgence du problème. Pour les travailleurs déjà licenciés, les promesses électorales ne suffisent pas : ils veulent des mesures concrètes, immédiates, capables d’endiguer la spirale de précarité dans laquelle ils sont plongés.

Cette crise exacerbe des tensions sociales déjà vives. Loin d’affecter uniformément la population, les licenciements frappent plus durement certaines catégories : les classes populaires, les travailleurs peu qualifiés, les minorités. Une fracture se creuse entre ceux qui conservent leur emploi dans des secteurs protégés et ceux qui doivent lutter pour survivre. Ce clivage nourrit un sentiment de défiance envers les élites politiques et économiques, renforçant les discours populistes. Si aucune réponse efficace n’est apportée, cette défiance pourrait bien se traduire dans les urnes en novembre, avec des conséquences imprévisibles pour l’avenir du pays.



Travailler plus pour financer l’effort de guerre : un projet contesté

L’annonce d’un possible appel à « travailler plus » pour financer l’effort de guerre suscite une levée de boucliers. Alors que le gouvernement cherche des solutions pour renforcer les capacités de défense nationale, de nombreux économistes et syndicats estiment que ce n’est pas aux travailleurs de supporter seuls ce fardeau.
Un modèle économique remis en cause

Depuis des décennies, le modèle social français repose sur un prélèvement élevé sur le travail pour financer les dépenses publiques. Cet équilibre, déjà contesté, pourrait être fragilisé par une nouvelle ponction destinée à financer la défense. Certains pointent le risque d’accentuer la pression sur une catégorie restreinte de travailleurs, déjà fortement sollicités.

Une augmentation du temps de travail sans contrepartie directe en salaires pourrait entraîner un effet pervers : une perte de motivation et un exode des talents vers d’autres pays plus attractifs fiscalement et socialement. Un danger non négligeable pour une économie déjà confrontée à un marché du travail sous tension.

Certains experts estiment que la contribution à l’effort de guerre ne devrait pas reposer exclusivement sur les actifs. D’autres pistes, comme une fiscalité ciblée sur les hauts patrimoines ou une rationalisation des dépenses publiques, pourraient permettre de limiter l’impact sur le pouvoir d’achat des travailleurs.

L’exemple européen : un modèle à suivre ?

Une comparaison avec d’autres pays européens montre que la France affiche un taux d’emploi inférieur à de nombreuses nations voisines. Seule la Belgique présente une situation similaire. Or, ces pays, tout en maintenant un temps de travail modéré, réussissent à assurer une base de cotisants plus large, allégeant ainsi la pression fiscale sur chaque individu.

Plutôt que d’allonger la durée du travail des actifs, certains économistes préconisent une stratégie différente : favoriser l’insertion professionnelle des chômeurs, encourager les seniors à rester en activité plus longtemps et faciliter l’accès à l’emploi pour les jeunes. Cette approche permettrait d’augmenter les recettes publiques sans fragiliser les équilibres sociaux.

Plusieurs études soulignent que l’excès de taxation du travail en France pèse sur la compétitivité des entreprises, notamment vis-à-vis de pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, où la charge fiscale est plus répartie. Un ajustement structurel pourrait être nécessaire pour éviter de compromettre la croissance économique.

Une bataille budgétaire avant tout

L’appel à un effort supplémentaire intervient dans un contexte où les comptes publics sont déjà mis à rude épreuve. Avec une dette qui frôle les 110 % du PIB et un déficit élevé, la marge de manœuvre budgétaire est limitée. Le financement de la défense pourrait nécessiter une réforme structurelle plutôt qu’une ponction ponctuelle.

Certains experts s’interrogent sur l’opportunité d’un tel effort alors que d’autres besoins prioritaires, comme l’éducation, la santé ou la transition écologique, requièrent également des financements. Une réorientation des dépenses pourrait être préférable à une augmentation de la charge pesant sur les travailleurs.

Si le besoin de renforcer l’appareil militaire est largement reconnu, la manière de le financer fait débat. Pour certains, une politique industrielle ambitieuse et une relocalisation de certaines productions stratégiques pourraient être une solution plus efficace qu’un simple appel au sacrifice des travailleurs.



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