Semi-conducteurs : Riber veut grandir par la diversification

Riber, petit équipementier français de semi-conducteurs, veut changer de dimension. Pour cela, il va accélérer sa diversification avec une ouverture dans la photonique sur silicium et le calcul quantique. Cette nouvelle ambition est incarnée par le projet Rosie qui vise à faire entrer sa technologie d’épitaxie dans les grandes usines de puces comme celles d’Intel et de STMicroelectronics.

Riber, petit équipementier français de puces, veut changer d’échelle. Jusqu’ici cantonné à des applications de niche, le groupe ambitionne désormais d’étendre sa technologie d’épitaxie à des marchés à grands volumes. Il compte y arriver en s’attaquant à des domaines en plein essor comme la photonique sur silicium et le calcul quantique.

Riber respire la santé financière

Riber se sent d’attaque d’autant qu’il a enregistré un bon bilan en 2023. En effet, l’équipementier français, qui emploie 120 personnes (dont environ 110 en France), fait part d’un chiffre d’affaires de 39,3 millions d’euros sur le dernier exercice. Soit une hausse de 41% par rapport à l’année précédente. Son bénéfice net s’élève à 3,4 millions d’euros, contre 200.000 euros en 2022.

La PME veut retrouver la stabilité dans sa gouvernance

Ces bons résultats interviennent après deux ans d’instabilité de sa gouvernance. Christian Dupont a remplacé Michel Picault à la présidence du directoire, avant de céder à son tour la place à Annie Geoffroy en septembre 2023. Désormais, Riber veut un peu de stabilité pour réussir sa diversification, censée lui permettre de changer d’échelle.

Riber, un spécialiste des machines d’épitaxie à jet moléculaire

Fondée en 1964, la PME était à l’origine un spécialiste des machines d’épitaxie à jet moléculaire (MBE pour Molecular Beam Epitaxy). Ce procédé technologique consiste à déposer sur une surface électronique une fine couche de matériau semi-conducteur, qui servira de support à la construction de composants. Il se fait essentiellement par projection sous vide d’atomes. La technique permet de fabriquer des composants photoniques et radiofréquences à hautes performances pour divers domaines. Parmi lesquels les radars, les télécoms, la santé, la défense et le spatial.

Riber veut capter d’autres opportunités

Ce marché de niche a progressé de 18% en 2023 pour atteindre 61 millions de dollars. Riber en est l’un des leaders avec l’américain Veeco. Mais l’équipementier français veut capter d’autres opportunités. Il souhaite précisément imposer sa technologie d’épitaxie dans la fabrication des composants en silicium sur plaquettes de 300 mm de diamètre. Ce substrat facilite l’intégration des puces avec d’autres composants et réduit les coûts de fabrication.

Un changement de dimension voulu par le projet Rosie

L’ouverture dans la photonique sur silicium ou le calcul quantique doit permettre à Riber d’entrer dans les usines de grands fabricants comme Intel et STMicroelectronics. Cette nouvelle ambition est portée par le projet Rosie, lancé en 2022. Ce programme doté d’un budget de 3 millions d’euros sur trois ans vise le développement d’une machine de déposition MBE de titanate de baryum (BTO) sur un substrat silicium de 300 mm.

L’équilibrisme délicat d’Intel sur la question des Ouïghours

Le spécialiste des semi-conducteurs empêtré malgré lui dans la rivalité sino-américaine tente de jouer sur les deux tableaux. Une mission impossible.

C’est le lot de presque toutes les entreprises chinoises ou américaines intervenant sur l’un de ces deux marchés. Elles sont bien souvent obligées, sur fond de guerre sino-américaine, de ménager les susceptibilités, au risque de se retrouver dans des positions embarrassantes. A l’image d’Intel cette semaine.

Dans la foulée de la promulgation jeudi 23 décembre, d’une loi américaine prohibant l’importation aux États-Unis de produits provenant du Xinjiang, territoire du nord-ouest de la Chine sous le joug de Pékin soupçonné d’y mener du travail forcé, la firme de semi-conducteurs a agi en conséquence. Elle a en effet cru bien faire en enjoignant via une lettre, à ses partenaires sur place d’éviter de se fournir dans la région indiquée par Washington au risque d’enfreindre la nouvelle « loi Ouïghoure », du nom du peuple que les autorités chinoises tentent de soumettre.

Tollé général

L’initiative du géant américain des puces électroniques part peut-être d’une bonne intention. Mais elle est surtout destinée à lui donner bonne conscience. Car la répression des Ouïghours ne lui est pas étrangère. Il y a un an, le New York Times (NYT) révélait dans une grosse enquête que la technologie d’Intel au même titre que celle de Nvidia, l’autre spécialiste américaine des semi-conducteurs, servait à la traque de ceux perçus comme menaçants par Pékin au Xinjiang. Les deux firmes avaient alors plaidé une méconnaissance de l’usage de leur technologie par les Chinois.

Quoi qu’il en soit, la lettre d’Intel a été très mal accueillie en Chine où l’État n’hésite pas à jouer sur la fibre nationaliste contre les États-Unis et la communauté internationale en générale. Les désapprobations se sont ainsi succédés sur les réseaux sociaux notamment. Avec l’abandon par le chanteur Karry Wang de son titre d’ambassadeur d’Intel, jeudi, en guise de protestation. « L’intérêt national dépasse tout« , a-t-il écrit sur la plateforme chinoise Weibo.

Opération déminage

Manifestement dépassé par l’ampleur des événements, Intel a dû rétropédaler en présentant, à travers un communiqué, des excuses au peuple chinois, indiquant que l’initiative de la lettre aux fournisseurs était seulement destinée à se conformer aux nouvelles exigences américaines.

Le groupe californien veut surtout éviter d’apparaître en Chine, où il emploie plus de 10 000 personnes pour 20 milliards de dollars de revenus en 2020 selon le NYT, comme un bras politique de Washington. Car s’aliéner un tel marché pourrait s’avérer très préjudiciable pour lui.