Orsted s’effondre en Bourse après un plan à 8 milliards

Le géant danois des énergies renouvelables chute de près de 30 % à Copenhague après l’annonce d’une augmentation de capital massive.
Un coup de massue sur les marchés

Lundi matin, le titre Orsted a plongé de 28,9 % à la Bourse de Copenhague, effaçant en quelques heures plusieurs milliards d’euros de capitalisation. À l’origine de cette débâcle : l’annonce d’une augmentation de capital de 60 milliards de couronnes danoises, soit environ 8 milliards d’euros. Cette opération, qui représente presque la moitié de la valeur boursière actuelle de l’entreprise (130 milliards de couronnes), a immédiatement été perçue par les investisseurs comme un signal de grande fragilité financière. La réaction a été d’autant plus violente que la dilution pour les actionnaires existants s’annonce massive.

Orsted, qui s’est reconverti des énergies fossiles vers l’éolien et le solaire, justifie cette levée de fonds par la nécessité de renforcer un bilan sous tension. Les difficultés à céder une partie du projet Sunrise Wind, combinées à une conjoncture défavorable sur le marché éolien offshore américain, ont créé un besoin de financement supplémentaire évalué à 40 milliards de couronnes. L’État danois, actionnaire majoritaire à 50,1 %, participera à l’opération, qui doit donner au groupe la flexibilité nécessaire pour mener à bien ses projets d’ici à 2027.

Le produit de l’émission doit financer un programme colossal : 8,1 gigawatts de nouvelles capacités éoliennes offshore d’ici à 2027, soit l’équivalent énergétique de cinq réacteurs EPR de Flamanville. Une ambition qui exige des moyens considérables, dans un environnement où les marges se sont effondrées sous l’effet de la hausse des coûts de construction, de l’inflation sur les matières premières, et de la remontée des taux d’intérêt.

Les vents contraires d’une industrie sous pression

Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier a ravivé les tensions sur le secteur. Hostile de longue date aux énergies renouvelables, l’ancien président a signé dès le 20 janvier un décret suspendant les prêts fédéraux aux nouveaux projets éoliens offshore, en attendant un examen économique et environnemental. Cette décision a directement fragilisé Orsted, qui compte sur deux projets américains d’envergure : Revolution Wind (704 MW, prévu pour 2026) et Sunrise Wind (924 MW, prévu pour 2027). L’incertitude réglementaire pèse lourdement sur la valorisation du groupe depuis le début de l’année.

Comme ses concurrents, Orsted subit la flambée du prix des matières premières — notamment le polysilicium pour le solaire — et les surcoûts sur les chantiers offshore. Les projets en mer sont particulièrement sensibles à l’augmentation des coûts de transport, d’installation et de maintenance. En mai dernier, l’entreprise avait déjà retiré le projet Hornsea 4, au large de l’Écosse, en raison d’une explosion des coûts et de risques opérationnels accrus, entraînant des charges exceptionnelles de 470 à 600 millions d’euros.

Les analystes, comme ceux de la Royal Bank of Canada, pointent que Sunrise Wind est déjà soumis à une forte pression sur les rendements. La difficulté à céder une part de ce projet reflète la défiance des investisseurs face aux incertitudes politiques et économiques. Orsted relie directement ces échecs aux “évolutions défavorables du marché éolien offshore américain”, un marché jadis perçu comme stratégique mais désormais plombé par les signaux politiques négatifs et le manque de soutien financier fédéral.

Les défis d’un leader en quête de cap

L’augmentation de capital d’Orsted équivaut à lever près de la moitié de sa capitalisation actuelle, ce qui entraîne mécaniquement une dilution sévère. Si l’État danois participera à l’opération, les investisseurs privés voient leur part de capital réduite, ce qui explique en grande partie la violence de la sanction boursière. Pour les marchés, cette levée de fonds traduit un risque structurel plus profond que de simples difficultés conjoncturelles.

Orsted, longtemps considéré comme un modèle de transition énergétique réussie, doit désormais convaincre qu’il peut exécuter ses projets sans compromettre sa solidité financière. La communication du groupe insiste sur la nécessité de “préserver une capitalisation adéquate” et de maintenir la flexibilité budgétaire. Mais la succession de mauvaises nouvelles — retrait de projets, retards, surcoûts — fragilise la confiance des investisseurs et des partenaires financiers.

Malgré ces vents contraires, Orsted maintient le cap sur son programme éolien offshore, misant sur une reprise de la demande mondiale et sur la transition énergétique à long terme. Entre 2025 et 2027, l’entreprise déploiera un portefeuille parmi les plus ambitieux du marché, dans l’espoir que la conjoncture — réglementaire comme économique — se retourne en sa faveur. Un pari risqué, mais nécessaire pour rester dans la course face à des concurrents comme Vestas, Iberdrola ou RWE.



Budget 2026 : Rousseau presse le PS de censurer Bayrou

Sandrine Rousseau exhorte le PS à ne pas « retomber dans le piège » et à voter la motion de censure contre un budget qu’elle juge injuste et écologiquement vide.

Une fronde écologiste contre les arbitrages budgétaires

La députée écologiste Sandrine Rousseau dénonce avec virulence les grandes lignes du projet de budget 2026 présenté par le Premier ministre François Bayrou. Selon elle, les propositions économiques ne répondent ni à l’urgence sociale ni à l’urgence climatique. « Il n’y a rien à discuter », affirme-t-elle sur franceinfo, accusant l’exécutif de s’enfermer dans un cadre austéritaire figé. En ligne de mire : le refus d’augmenter les recettes fiscales des plus riches et la poursuite de politiques de baisses d’impôts jugées irresponsables depuis 2017.

L’annonce la plus controversée, la suppression de deux jours fériés pour réaliser des économies, est pour Rousseau « un impôt sur les personnes qui travaillent ». Elle y voit une mesure profondément inégalitaire, ciblant les classes populaires sous couvert d’efficacité budgétaire. À ses yeux, le gouvernement se désintéresse de la qualité de vie des Français pour faire passer, par le choc, ses 44 milliards d’économies. Une manœuvre qu’elle qualifie de pure tactique politique.

Le gouvernement a promis une enveloppe supplémentaire de 600 millions d’euros pour la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Une somme jugée dérisoire par l’élue de Paris, qui rappelle que le rapport Pisani-Ferry préconise 60 milliards d’investissement annuel. Elle critique une série de reculs environnementaux récents : baisse de MaPrimeRénov’, abandon progressif des ZFE, désengagement dans l’agriculture bio. Pour elle, ce budget est l’incarnation d’un renoncement.

L’union des gauches sous tension face à la motion de censure

Les Insoumis entendent déposer une motion de censure à la rentrée. Sandrine Rousseau annonce qu’elle la votera sans hésiter. Mais pour faire tomber le gouvernement Bayrou, encore faut-il rassembler une majorité. C’est là que le rôle du Parti socialiste devient central. Celui-ci, perçu comme le « groupe pivot », n’a pas encore tranché. Rousseau tente donc de verrouiller l’unité du Nouveau Front populaire en jouant la carte de l’expérience : « Vous avez tenté de négocier sur les retraites. Résultat : une mascarade. »

Le souvenir amer du conclave sur les retraites reste dans tous les esprits. Pour Rousseau, la gauche ne doit pas « retomber dans le piège » d’un dialogue inexistant avec le gouvernement. Elle adresse un message direct à ses « copains et copines » socialistes, en les appelant à ne pas se faire une nouvelle fois berner. L’élue écologiste met en garde contre toute tentation de compromis budgétaire, qui se solderait, selon elle, par un nouveau désaveu.

Le gouvernement Bayrou, déjà mis sous pression par l’instabilité parlementaire, redoute cette censure. Le ministre de l’Économie, Éric Lombard, reste ouvert à la discussion, notamment avec les socialistes. Mais l’hostilité des Verts et des Insoumis rend toute coalition fragile. Si le PS décidait de basculer dans le camp de la censure, le sort du gouvernement pourrait basculer. Rousseau tente clairement de hâter cette rupture.

Une crise budgétaire révélatrice de lignes de fracture profondes

Derrière le bras de fer parlementaire se cache une opposition de fond sur le modèle économique. Pour Rousseau et ses alliés, le budget 2026 acte une vision libérale et comptable de l’action publique, à rebours des enjeux du moment. Réduction des dépenses, rigueur imposée, refus de toucher à la fiscalité du capital : autant de lignes rouges qu’elle juge inacceptables, à l’heure où les services publics et la transition écologique nécessitent des moyens massifs.

Alors que François Bayrou ambitionnait de faire du « verdissement » du budget un axe majeur, les écologistes dénoncent une supercherie. Pour Rousseau, les maigres annonces écologiques sont cosmétiques, destinées à masquer un abandon réel. Elle reproche au gouvernement de sacrifier les politiques de long terme sur l’autel des équilibres budgétaires immédiats. Les écologistes se retrouvent donc en première ligne de cette opposition idéologique.

Avec un débat budgétaire explosif en perspective, l’Assemblée s’annonce comme le théâtre d’un affrontement décisif. La censure pourrait, en cas de vote massif à gauche, entraîner la chute du gouvernement. Mais au-delà des jeux d’alliances, ce bras de fer symbolise une crise démocratique plus large : celle d’un pouvoir central peinant à trouver un compromis durable, et d’une gauche divisée entre tactique parlementaire et ligne de rupture.



France 2040 : l’alerte sévère de l’Institut Montaigne

Démographie en berne, productivité stagnante, dette croissante : le think tank libéral met en garde contre l’inaction face aux périls structurels de la France.

Un déclin démographique lourd de conséquences

D’ici 2040, selon l’Institut Montaigne, les plus de 65 ans représenteront 26 à 28 % de la population française, contre environ 21 % aujourd’hui. Ce basculement démographique renforce le déséquilibre entre actifs et inactifs, avec un ratio de dépendance avoisinant les 50 %, soit un actif pour un inactif. Ce choc structurel aura des répercussions profondes sur les dépenses sociales et les retraites.

Le rapport pointe une baisse très forte de la natalité, qu’aucune mesure politique récente ne semble en mesure d’inverser. L’indicateur conjoncturel de fécondité est en recul constant, plaçant la France en deçà du seuil de renouvellement des générations. Ce déficit d’enfants pèsera sur le renouvellement de la population active et affaiblira le socle de la croissance.

À l’horizon 2040, la France risque de connaître une baisse du volume d’heures travaillées, aggravée par des tendances déjà en cours. Bruno Tertrais, coordinateur du rapport, prévient : sans renversement de cette dynamique, le pays s’installe dans une économie structurellement atone, où le vieillissement et la raréfaction des actifs entraînent une chute de la productivité globale.

Un modèle économique sous tension permanente

La dette publique, déjà au-delà des 110 % du PIB, devrait continuer de croître sous l’effet combiné du vieillissement, de la baisse des recettes fiscales et des dépenses sociales accrues. L’Institut Montaigne souligne que cette dérive budgétaire prive l’État de marges de manœuvre à moyen terme, mettant en danger la capacité d’investissement public et les équilibres macroéconomiques.

La productivité du travail, moteur traditionnel de la croissance française, ne progresse plus significativement. Selon le rapport, le vieillissement, la désorganisation territoriale et le manque de réforme structurelle sont responsables de ce marasme prolongé. Les gains technologiques ne parviennent plus à compenser la baisse de performance de l’économie réelle.

L’étude se veut un électrochoc pour les responsables politiques. Elle insiste sur le fait que la poursuite des tendances actuelles sans intervention ambitieuse conduira à une impasse économique. Le rapport veut mettre les élus « face à leurs responsabilités » et souligne le coût élevé de l’immobilisme institutionnel, en particulier dans les domaines clés que sont le travail, l’innovation et la formation.

 

Une gouvernance à bout de souffle face aux crises systémiques

L’Institut Montaigne critique sévèrement la gouvernance publique « en silos ». L’absence de vision transversale, dans des domaines comme l’éducation, la santé, le climat ou la sécurité, empêcherait toute réponse cohérente aux défis actuels. Cette logique compartimentée rend l’État inefficace face aux dynamiques de plus en plus entremêlées qui caractérisent les crises modernes.

La France entre dans une période de « double contrainte », marquée à la fois par des transformations climatiques rapides et un effondrement démographique. Cette imbrication rend les arbitrages budgétaires, sociaux et environnementaux encore plus complexes. L’incapacité de l’État à prioriser et planifier aggrave la perte de souveraineté stratégique du pays.

Bruno Tertrais insiste enfin sur un contexte géopolitique tendu : conflits régionaux, instabilité commerciale, pression migratoire. Face à cela, les « travers traditionnels de l’administration française » deviennent des handicaps structurels, plus problématiques encore qu’il y a trente ans. Le rapport alerte sur l’urgence de repenser l’organisation de l’État dans un monde devenu imprévisible.



Estelle Brachlianoff (Veolia) : « Nous savons comment éviter les restrictions d’eau dans les années à venir »

Estelle Brachlianoff

À l’occasion des 25e Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence, Estelle Brachlianoff, directrice générale de Veolia, a livré une vision résolument optimiste mais lucide sur l’un des grands défis du siècle : la gestion de l’eau. Alors que les canicules à répétition, la pression sur les nappes phréatiques et la flambée des factures d’eau préoccupent les Français, la patronne du géant de l’environnement affirme avec assurance : « On sait ce qu’il faut faire pour éviter les restrictions d’eau dans les prochaines années. »

Un discours volontariste, dans un contexte pourtant alarmant. Car derrière ces mots, c’est toute une stratégie industrielle qui se dessine, entre transition écologique, innovation technologique et enjeux économiques cruciaux.

L’eau, au cœur des préoccupations des Français

Le changement climatique impose une relecture urgente de la gestion de l’eau. L’alternance de périodes de sécheresse intense et d’épisodes pluvieux extrêmes bouleverse les équilibres naturels. Les nappes phréatiques, véritables réservoirs d’eau potable, ne se rechargent plus correctement, tandis que certaines régions font déjà face à des tensions d’approvisionnement.

Pour les particuliers, cela se traduit par des restrictions d’usage, des hausses tarifaires, et une inquiétude grandissante. « L’eau pourrait devenir une ressource rare, chère et disputée », résume Estelle Brachlianoff, soulignant que ce scénario n’est pas inéluctable, à condition d’agir maintenant.

La stratégie d’Estelle Brachlianoff fondée sur l’innovation et l’anticipation

Face à cette situation, Veolia développe une approche offensive et technique. « Nous avons des solutions éprouvées, et nous investissons massivement dans des technologies de réutilisation des eaux usées, de détection des fuites, et d’optimisation du stockage », détaille la directrice générale.

L’entreprise mise aussi sur la numérisation des réseaux pour mieux suivre et gérer les consommations, ainsi que sur la désalinisation dans les zones littorales les plus exposées. Autre axe majeur : l’accompagnement des collectivités locales pour repenser leurs modèles d’irrigation et leurs infrastructures vieillissantes.

La valorisation des déchets dangereux, nouveau levier de croissance

En parallèle de ses activités historiques dans l’eau et les déchets ménagers, Veolia entend booster sa croissance grâce à un secteur encore méconnu du grand public : la gestion des déchets dangereux. Une orientation stratégique assumée.

« Ces déchets, souvent industriels, nécessitent des traitements très techniques, mais ils permettent aussi de valoriser des ressources rares et de réduire la pollution à la source », explique Estelle Brachlianoff. Ce segment représente désormais une part croissante du chiffre d’affaires du groupe, avec une forte demande à l’échelle mondiale, notamment en Europe et en Asie.

Le rôle politique d’Estelle Brachlianoff et sociétal croissant

En tant que leader mondial de la gestion de l’eau et des déchets, Veolia est désormais au cœur des politiques publiques. La crise hydrique, conjuguée aux tensions environnementales, impose aux industriels un rôle élargi, entre acteur économique, partenaire des territoires et moteur de la transition écologique.

Estelle Brachlianoff assume cette position. « Notre responsabilité est d’accompagner les collectivités, de former les jeunes à ces métiers d’avenir, et de démontrer que la croissance peut être compatible avec la préservation des ressources. »

L’urgence d’un changement systémique

Si les technologies existent, encore faut-il que les mentalités et les décisions politiques suivent. Pour la directrice générale de Veolia, la transition hydrique ne peut réussir qu’avec une vision systémique : réduction des gaspillages, tarification juste, sensibilisation du grand public, et soutien massif à l’innovation.

« Il faut sortir de la logique de court terme et reconnaître que l’eau est une ressource stratégique, comme l’énergie », martèle-t-elle. Le message est clair : sans anticipation, les pénuries deviendront la norme. Mais avec une stratégie cohérente, les pires scénarios peuvent être évités.

1er juillet : hausse du gaz, bonus auto et réforme santé

Revalorisation du chômage, bonus écologique renforcé, obligations en cas de canicule… Le 1er juillet 2025 marque l’entrée en vigueur de nombreux changements concrets.
Santé, sécurité et travail : l’État muscle son arsenal

Afin de lutter contre la fraude aux indemnités journalières, l’Assurance maladie impose désormais un formulaire Cerfa ultra-sécurisé pour tout arrêt-maladie prescrit à domicile. Dès ce 1er juillet, seuls les originaux comportant hologrammes, encre magnétique et identifiant du médecin seront recevables. Les copies et documents scannés seront systématiquement refusés. La mesure intervient après un bond des fraudes, passées de 17 à 42 millions d’euros en un an, et vise à restaurer la confiance dans le système d’indemnisation.

Employeurs, salariés et représentants du personnel doivent désormais composer avec un dispositif strict de prévention des risques liés à la chaleur. Dès la vigilance jaune, les employeurs doivent adapter horaires et tâches, fournir trois litres d’eau fraîche par jour, installer ventilateurs ou brumisateurs, et équiper les salariés (chapeaux, lunettes, vêtements respirants). Les postes doivent être repensés pour limiter l’exposition aux rayonnements, et les pauses allongées. Ce tournant réglementaire impose à tous les secteurs une culture de la prévention plus rigoureuse.

La lutte contre le tabagisme prend une nouvelle tournure. Dès le 30 juin, il est interdit de fumer dans les parcs, plages, abris de bus, abords des écoles, stades ou piscines, sans laisser cette décision à la libre appréciation des communes. Cette extension vise à réduire l’exposition au tabagisme passif, notamment pour les enfants. Si certaines villes pionnières, comme Nice, appliquaient déjà ces mesures, leur généralisation nationale symbolise une volonté claire de changer les comportements au quotidien.

Pouvoir d’achat et emploi : des hausses, mais timides

Les allocataires du chômage verront leur indemnité journalière légèrement augmenter de 0,5 %, avec un nouveau minimum à 32,13 euros. Une hausse certes modeste, mais qui concernera plus de deux millions de personnes. À Mayotte, l’allocation minimale s’établit désormais à 16,05 euros. Cette revalorisation, automatique pour les salaires de référence datant d’au moins six mois, s’inscrit dans la continuité des ajustements de 2024, mais reste bien en deçà de l’inflation constatée sur les produits de première nécessité.

Un forfait de 750 euros s’appliquera désormais aux entreprises embauchant un apprenti de niveau bac+3 et plus. Cette contribution sera perçue directement par les centres de formation. Par ailleurs, les modalités de prise en charge des formations évoluent : les frais ne seront plus calculés au mois commencé, mais proratisés selon les jours réellement travaillés. Une réforme visant à responsabiliser davantage les employeurs et à réduire les abus sur les contrats courts.

Bonne nouvelle pour les familles : les verres correcteurs conçus pour ralentir la progression de la myopie chez les enfants de 5 à 16 ans (comme les Miyosmart du groupe Hoya) seront désormais partiellement remboursés par la Sécurité sociale. Recommandés depuis 2022 par la Haute Autorité de santé, ces verres coûtent souvent plusieurs centaines d’euros. Cette mesure sanitaire, attendue de longue date, vise à rendre les dispositifs de prévention visuelle plus accessibles à toutes les familles.

Énergie et transition : l’État ajuste ses leviers

Le tarif d’acheminement du gaz augmente de 6,1 % à partir du 1er juillet, entraînant une hausse moyenne de 1,4 % sur les factures. Pour les foyers utilisant le gaz pour la cuisson et l’eau chaude, l’abonnement annuel passe à 117,93 euros (contre 114,30 euros). Pour ceux utilisant le gaz pour le chauffage, la facture grimpe de 277,43 à 290,83 euros. Cette revalorisation, justifiée par les coûts d’infrastructure, alimente toutefois les tensions sur le pouvoir d’achat des ménages, déjà mis à rude épreuve.

Le financement du bonus écologique pour l’achat de véhicules électriques bascule vers les certificats d’économie d’énergie (CEE), dans une logique de « pollueur-payeur ». Résultat : une aide en hausse pour les ménages modestes (jusqu’à 4 200 €), et de 3 100 € pour les autres, selon les revenus. Ce coup de pouce s’ajoute aux critères existants (prix maximal de 47 000 €, masse inférieure à 2,4 t, score environnemental minimum). L’objectif ? Poursuivre l’électrification du parc automobile sans grever le budget de l’État.

Avec ce nouveau mode de financement du bonus auto via les CEE, l’État transfère une partie du coût de la transition énergétique vers les fournisseurs d’énergie. Ces derniers doivent financer les économies d’énergie réalisées par les ménages, entreprises ou collectivités. Cette logique incitative renforce le rôle des acteurs économiques dans les politiques publiques environnementales. Mais elle pose aussi une question d’équité : les aides dépendent désormais de la capacité des fournisseurs à orienter efficacement leurs budgets.



L’Iran menace de fermer Ormuz, 20 % du pétrole mondial en jeu

Téhéran réplique aux frappes américaines en brandissant la menace d’un blocus du détroit d’Ormuz. Une riposte qui pourrait bouleverser l’économie mondiale.
Ormuz, passage étroit aux enjeux géostratégiques démesurés

Le détroit d’Ormuz, long de 55 kilomètres, sépare l’Iran des Émirats arabes unis. Il relie le golfe Persique à l’océan Indien par le golfe d’Oman. Chaque jour, des dizaines de pétroliers, cargos et méthaniers y transitent. Ce couloir maritime est vital non seulement pour le pétrole, mais aussi pour le gaz naturel liquéfié. Y passent également les exportations de pays clés : Koweït, Irak, Qatar.

20 % du pétrole mondial y transite, représentant près de 600 milliards de dollars de valeur par an. À cela s’ajoute un tiers du gaz naturel liquéfié (GNL) mondial. En menaçant d’y bloquer la navigation, l’Iran active une bombe économique à fragmentation lente mais certaine. En cas de fermeture, ce sont des dizaines de pays dépendants de ces flux qui seraient touchés de plein fouet.

Ce n’est pas la première fois que la République islamique agite la menace de fermeture d’Ormuz. Déjà en 2011 et en 2019, à la suite de tensions militaires avec les États-Unis, l’Iran avait multiplié les exercices navals dans la zone. En 2025, la menace prend toutefois une tout autre dimension : elle survient juste après des frappes américaines directes sur des sites nucléaires, dans un contexte de tension extrême.

Une onde de choc immédiate sur les marchés pétroliers mondiaux

Lundi 23 juin, les marchés ont immédiatement réagi. Le baril de Brent atteint 79 dollars, le WTI 81 dollars. Soit une hausse de 15 à 20 dollars en un mois. Un bond brutal, conséquence de la fébrilité des marchés face à un risque de blocage durable. Ormuz est un goulet : s’il se ferme, aucun itinéraire alternatif ne peut absorber un tel volume de brut et de gaz.

Certains analystes rappellent le précédent de 2008, où le baril avait culminé à 140 dollars. Ce pic, supérieur à ceux de 1973 et 1979, fut alimenté par une guerre d’usure sur les approvisionnements. La menace iranienne ranime ce spectre. L’inconnue demeure toutefois la réaction des membres de l’OPEP+, en particulier l’Arabie saoudite et la Russie, qui pourraient adapter leur production.

L’impact ne se limite pas au pétrole. Le c (GNL), composante stratégique de la transition énergétique, transite lui aussi en partie par Ormuz. Une interruption même partielle aurait des effets directs sur les marchés asiatiques et européens. L’approvisionnement de l’Inde et du Japon serait fortement perturbé, fragilisant aussi leur économie.

Une bombe à retardement pour les économies européennes

La flambée des prix à la pompe ne sera pas immédiate, mais elle est inéluctable si le prix du baril continue à monter. L’été 2025 pourrait voir les tarifs exploser, alimentant une tension sociale déjà vive. Le souvenir de 2018 et de la crise des Gilets jaunes hante encore les esprits : tout choc pétrolier est désormais redouté par l’exécutif français.

La France n’a plus les marges de manœuvre budgétaires de 2022. Son niveau de dette et la faiblesse de sa monnaie rendent toute politique de compensation difficile. Le gouvernement ne pourra probablement pas reproduire le bouclier tarifaire ou la remise carburant. L’achat du baril en dollar aggrave la donne, d’autant que l’euro est au plus bas face à la devise américaine.

Face à ce risque, l’Union européenne devra accélérer sa stratégie de diversification énergétique. Mais à court terme, elle reste vulnérable. Les stocks stratégiques ne couvrent que quelques mois de consommation. La transition énergétique, encore inaboutie, rend l’Europe particulièrement exposée aux aléas du marché fossile. Le scénario d’un prix du baril à 120 voire 140 dollars n’est plus exclu par les économistes.



Intermarché reprend 81 magasins Colruyt en France

Le Groupement Les Mousquetaires (Intermarché/Netto) s’engage à acquérir 81 supermarchés et 44 stations-service Colruyt pour 215 M€, avec transfert de 1 300 salariés.
Une opération stratégique majeure dans la distribution

Le 17 juin 2025, le groupe belge Colruyt a annoncé avoir reçu une promesse unilatérale d’achat émanant du Groupement Les Mousquetaires, maison-mère des enseignes Intermarché et Netto. Cette proposition porte sur l’acquisition de 81 supermarchés intégrés sur les 104 magasins Colruyt en France, ainsi que sur 44 stations-service DATS 24. L’opération est estimée à 215 millions d’euros, confirmant une stratégie offensive du groupement français pour consolider son maillage territorial, en particulier dans l’Est et le Centre-Est du pays. Pour Colruyt, ce retrait partiel marque un recentrage de ses activités sur des marchés plus rentables.

Les points de vente concernés sont majoritairement implantés dans les régions du quart nord-est, de la Bourgogne-Franche-Comté à la Lorraine. L’accord comprend également la reprise de plusieurs plateformes logistiques stratégiques, bien que certains entrepôts soient exclus de la transaction pour des raisons d’incompatibilité avec le modèle des Mousquetaires. L’ensemble représente une opportunité pour Intermarché d’accélérer son expansion tout en optimisant la répartition de ses flux. Au total, plus de 1 300 salariés sont concernés par le transfert, prévu pour le premier semestre 2026.

Colruyt, présent en France depuis 1998, fait face à des difficultés structurelles sur le territoire hexagonal. Malgré une activité rentable sur certains points, la filiale française du distributeur belge a enregistré un déficit supérieur à 20 millions d’euros au titre de l’exercice 2024-2025. Le poids des frais fixes, conjugué à une dynamique concurrentielle très tendue dans le secteur, a poussé le groupe à envisager une sortie partielle. L’accord avec Les Mousquetaires permet ainsi de limiter les pertes tout en garantissant une transition équilibrée.

Un transfert socialement encadré

L’un des piliers de l’accord repose sur la transmission intégrale des contrats de travail des salariés concernés, en vertu de l’article L1224-1 du Code du travail. Ainsi, 1 316 salariés de Colruyt Retail France rejoindront les entités du Groupement Les Mousquetaires sans rupture de contrat. Les 175 postes non transférés dans les entrepôts seront compensés par des propositions de CDI à pourvoir dans les structures logistiques des Mousquetaires, à l’issue d’une procédure de reclassement. Cette méthode témoigne d’une volonté commune de privilégier l’emploi et d’éviter les licenciements secs.

Avant tout transfert opérationnel, une consultation des instances représentatives du personnel (IRP) sera engagée. Ce dialogue, obligatoire dans le cadre d’une cession de cette ampleur, vise à préciser les modalités d’intégration, les perspectives de carrière, et les conditions de travail dans les nouvelles entités. Le PDG de Colruyt Retail France, Stefan Goethaert, a assuré que l’objectif était de garantir une intégration harmonieuse et responsable, dans l’intérêt conjoint des salariés et des enseignes concernées.

Les magasins repris seront confiés à des adhérents-indépendants du Groupement Les Mousquetaires, selon le modèle coopératif traditionnel de l’enseigne. Ces chefs d’entreprise bénéficieront d’un accompagnement personnalisé pour assurer la transformation logistique, marketing et RH des points de vente. Cette architecture décentralisée favorise une réappropriation locale des commerces et pourrait, selon les analystes, faciliter l’ancrage territorial durable des ex-magasins Colruyt.

Recomposition du paysage concurrentiel

Le secteur de la grande distribution en France est soumis à une concurrence intense, marquée par la montée en puissance du e-commerce, la pression sur les prix, et la prolifération des enseignes de hard-discount. Dans ce contexte, la reprise de Colruyt par Les Mousquetaires permet à ces derniers de conforter leur troisième place sur le marché français, derrière Leclerc et Carrefour. L’objectif affiché du Groupement : atteindre 20 % de parts de marché à l’horizon 2028, en renforçant sa présence dans les zones moins couvertes.

Cette acquisition s’inscrit dans une stratégie plus large de croissance externe, amorcée dès 2023 avec le rapprochement d’Intermarché et de Casino sur plusieurs zones de chalandise. Le modèle coopératif des Mousquetaires leur permet d’agir avec agilité, en s’appuyant sur un réseau dense de points de vente tout en gardant une gouvernance décentralisée. L’intégration des magasins Colruyt s’effectuera dans cette logique, avec une conversion progressive aux standards logistiques et commerciaux du groupement.

Enfin, cette opération envoie un message fort aux distributeurs européens : la France, marché historiquement dense, reste une zone complexe pour les enseignes étrangères peu implantées. L’exemple de Colruyt, contraint de se replier après près de 25 ans de présence, révèle les difficultés à atteindre une taille critique sans réseau logistique robuste et connaissance fine du tissu local. Pour Les Mousquetaires, cette reprise vient donc également confirmer leur statut de consolidateur national.



Croissance allemande : le vent tourne enfin selon trois instituts économiques

Après deux années de contraction, l’économie allemande semble enfin amorcer une reprise. Trois instituts de conjoncture de premier plan – l’IfW de Kiel, l’Ifo de Munich et le RWI d’Essen – ont revu à la hausse leurs prévisions de croissance pour 2025 et 2026, misant sur une amélioration plus rapide que prévu de la conjoncture.

Des premiers signes positifs en 2024

Le redémarrage est timide, mais il est là. Tous trois anticipent désormais une progression du produit intérieur brut (PIB) allemand de 0,3 % pour l’année 2025, contre des prévisions initialement plus prudentes. L’Institut de Kiel, par exemple, tablait jusqu’ici sur une simple stagnation. Ce réajustement est largement attribué aux bons résultats du premier trimestre, marqué par une hausse de l’activité économique de 0,4 %.

« L’économie allemande entrevoit enfin la lumière au bout du tunnel », commentent les experts de l’IfW, soulignant que les moteurs de la reprise, bien que modestes, commencent à se remettre en marche.

Une dynamique plus vigoureuse à l’horizon 2026

Les projections à moyen terme sont elles aussi revues à la hausse. L’IfW s’attend désormais à une croissance de 1,6 % en 2026, contre 1,5 % précédemment. L’Institut Ifo affiche un optimisme plus marqué encore : il anticipe une progression de 1,5 % en 2026, soit près du double de sa prévision de printemps, qui n’était que de 0,8 %. Le RWI adopte une position similaire, misant également sur 1,5 % de croissance dans deux ans.

Le creux de la vague est passé

Pour Timo Wollmershäuser, chef économiste à l’Ifo, « la crise a atteint son point le plus bas durant l’hiver dernier ». Selon lui, la situation conjoncturelle s’améliore lentement mais sûrement, portée par un retour de la confiance des entreprises et la stabilisation de la demande intérieure.

Parmi les éléments de soutien à cette reprise, les décisions budgétaires récentes du gouvernement fédéral jouent un rôle central. « Les mesures économiques adoptées ces derniers mois expliquent en partie cette embellie », confirme-t-il.

Un coup d’accélérateur venu du gouvernement

En effet, Berlin a dégainé plusieurs instruments pour stimuler l’économie. La semaine dernière, le gouvernement a validé un vaste programme de 46 milliards d’euros d’allègements fiscaux à destination des entreprises. Objectif : relancer l’investissement et soutenir la compétitivité.

Autre levier important : un plan d’investissement massif de 500 milliards d’euros dans les infrastructures, approuvé au printemps par le Parlement. Il s’agit du plus grand effort d’aménagement du territoire et de modernisation depuis la réunification.

D’après les estimations de l’Ifo, ces mesures pourraient générer un impact budgétaire positif de 10 milliards d’euros dès 2025, et de 57 milliards d’euros en 2026. En matière de croissance, cela se traduirait par un bonus de 0,1 point de PIB cette année, et 0,7 point l’année suivante, comparativement à une trajectoire sans intervention gouvernementale.

Des incertitudes demeurent

Si le ton général est désormais à l’optimisme prudent, les trois instituts ne cachent pas les obstacles qui subsistent. La question des droits de douane et du climat commercial international reste une épée de Damoclès, notamment dans un contexte de tensions commerciales persistantes entre les grandes puissances.

Torsten Schmidt, responsable des prévisions au RWI, insiste : « La reprise s’annonce progressive et dépendra fortement de la capacité du gouvernement à traduire ses promesses en actions concrètes. » Il met en garde contre un excès d’enthousiasme, tout en soulignant les signaux positifs émis par le second semestre.

Un nouveau cycle pour la première économie européenne ?

Après une période difficile marquée par les séquelles de la pandémie, la flambée des prix de l’énergie et le ralentissement industriel, l’Allemagne pourrait renouer avec un cycle de croissance plus soutenu, à condition de maintenir le cap des réformes et de la relance.

Les ajustements récents des prévisions économiques témoignent d’un changement de climat. Les instituts, jusqu’ici très prudents, misent désormais sur un retour progressif à une croissance modérée mais stable, nourrie par l’investissement public et le redressement de la demande.

L’économie allemande, locomotive du continent, n’est pas encore repartie à plein régime, mais le moteur semble relancé. La suite dépendra de la conjonction entre politiques publiques efficaces et environnement économique international plus serein.

Face à Shein, Temu et AliExpress, les commerçants ripostent

Accusés de concurrence déloyale, les géants chinois du e-commerce sont dans le viseur des commerçants français, qui réclament leur déréférencement.
La colère des commerçants face à une concurrence écrasante

Les plateformes chinoises telles que Shein, Temu ou AliExpress affichent des prix défiant toute concurrence : robes à 10 euros, gadgets à moins de 3 euros, bijoux à prix cassés… Ces tarifs, qui attirent massivement les consommateurs, suscitent l’indignation du commerce de proximité français. Pour les artisans et commerçants, ces montants ne permettent ni une fabrication respectueuse des normes sociales ni une juste rémunération du travail. Les prix bas se font au détriment de la qualité, de l’environnement et, surtout, du tissu économique local. Ces produits, souvent livrés depuis l’étranger avec peu ou pas de frais de douane ou de TVA, bénéficient de conditions bien plus avantageuses que celles imposées aux entreprises françaises, créant un déséquilibre profond.

Derrière ces plateformes, les commerçants dénoncent un écosystème qui échappe largement aux règles du commerce classique. Les fiches produit manquent parfois de clarté, les conditions de retour sont souvent floues, et les produits ne sont pas toujours conformes à la description initiale. Certaines plateformes usent aussi d’un marketing agressif, avec des promotions permanentes, des notifications incessantes, et des algorithmes qui poussent à la surconsommation. Ces méthodes, difficilement contrôlables depuis l’Europe, participent à une forme de “dumping numérique” contre lequel les petits commerçants se sentent désarmés.

Les effets sont déjà visibles dans les centres-villes. La baisse de fréquentation des commerces de proximité, combinée à l’inflation et aux charges fixes, met en péril des milliers de petits acteurs économiques. Derrière chaque fermeture de boutique, ce sont des emplois locaux supprimés, une vie de quartier qui s’éteint, et une perte de diversité commerciale. Les commerçants ne remettent pas en cause le progrès numérique, mais appellent à une égalité de traitement : comment rivaliser avec des plateformes qui expédient depuis des entrepôts en Asie à des prix défiant les règles élémentaires du commerce équitable ?

Un appel à l’État : encadrer, rétablir la justice commerciale

Face à l’inaction perçue des plateformes et à la lenteur des mesures politiques, la Confédération des commerçants de France (CDF) demande aujourd’hui des actions fortes, et notamment le déréférencement de Shein, Temu et AliExpresssur les moteurs de recherche français. L’objectif ? Rendre ces plateformes moins visibles, ralentir l’hémorragie commerciale, et envoyer un signal politique fort. Cette mesure, radicale, viserait à rétablir une forme d’équité dans l’accès au marché numérique français, à défaut de pouvoir imposer directement des régulations à ces entreprises étrangères.

Les commerçants demandent que l’Union européenne prenne ses responsabilités. Déjà, certaines initiatives comme le Digital Services Act ou le Customs Enforcement Package tentent de mieux encadrer les pratiques des géants du e-commerce. Mais la France, selon les commerçants, devrait aller plus loin : exiger une TVA à l’importation systématique, imposer la traçabilité des produits vendus, et responsabiliser les plateformes sur la conformité et la sécurité des marchandises commercialisées. Une loi française plus stricte serait, selon eux, un premier pas vers une régulation plus globale.

La riposte ne peut être uniquement institutionnelle : elle passe aussi par les mentalités. Pour les commerçants, il est urgent de sensibiliser les consommateurs aux impacts économiques, sociaux et écologiques de leurs achats. Acheter une robe à 9 € sur Temu, c’est peut-être faire une bonne affaire à court terme, mais c’est aussi affaiblir durablement l’économie locale. À travers des campagnes d’affichage, des relais dans les médias et les réseaux sociaux, les commerçants souhaitent rappeler qu’un euro dépensé dans une boutique indépendante a dix fois plus d’impact pour l’emploi et l’environnement qu’un achat sur une plateforme chinoise.

Repenser le commerce local à l’ère du numérique

Face à cette concurrence numérique, les commerçants traditionnels n’entendent pas rester figés. Beaucoup investissent désormais dans la digitalisation de leurs services : sites web, click & collect, ventes en ligne, prises de rendez-vous via les réseaux sociaux. Cette transformation n’est pas toujours simple, surtout pour les plus petites structures, mais elle s’impose comme indispensable. L’ambition n’est pas de rivaliser avec les plateformes géantes, mais de proposer une alternative de qualité, humaine, accessible, et plus responsable.

Les commerçants demandent aussi un accompagnement public renforcé : aides à la digitalisation, formations, subventions pour la transition numérique, réduction des charges sociales. Certaines collectivités ont déjà mis en place des dispositifs de soutien, mais ceux-ci restent trop dispersés et souvent inadaptés à la réalité du terrain. Une stratégie nationale cohérente, portée par l’État et les régions, est attendue pour donner un second souffle au commerce local.

Enfin, au-delà des politiques publiques, les commerçants misent sur l’éveil d’un consommateur plus responsable. La prise de conscience écologique, le désir de proximité, la volonté de soutenir l’économie locale sont autant de leviers qui peuvent jouer en faveur d’un retour en grâce des commerces de centre-ville. Pour cela, encore faut-il offrir une expérience client irréprochable, un service humain, et une offre de produits différenciante. Le défi est de taille, mais les commerçants en sont convaincus : c’est en s’adaptant sans renier leur identité qu’ils retrouveront leur place.



TVA sociale : l’U2P veut cibler le luxe, pas les familles

Face à l’inflation et à la crise du pouvoir d’achat, l’Union des entreprises de proximité défend une TVA sociale recentrée sur les produits de luxe.
Une TVA sociale sélective pour préserver la consommation courante

Dans une tribune publiée lundi 27 mai, l’Union des entreprises de proximité (U2P), qui représente artisans, commerçants et professions libérales, a formulé une proposition inattendue mais stratégique : appliquer la TVA sociale uniquement aux produits de luxe, tout en épargnant les biens de consommation courante. Dans un contexte de tensions sociales liées à l’inflation alimentaire et énergétique, cette approche vise à protéger le panier moyen des Français, notamment des classes moyennes inférieures et des ménages précaires, souvent les plus sensibles aux hausses de TVA.

La TVA, impôt indirect par excellence, est souvent décriée pour son caractère injuste : elle frappe proportionnellement plus les ménages modestes que les plus aisés. En ciblant les produits de luxe – dont la charge est assumée par une population à fort pouvoir d’achat – l’U2P cherche à réconcilier justice fiscale et efficacité budgétaire. Pour l’organisation patronale, il s’agit non seulement de générer des recettes, mais de le faire en respectant un principe de solidarité implicite : faire financer une part de la protection sociale par ceux qui consomment des biens superflus.

Dans sa prise de position, l’U2P s’inquiète clairement des effets d’une généralisation brutale de la TVA sociale sur l’économie du quotidien. L’organisation alerte sur un risque de « déséquilibre social » si la réforme venait à inclure les produits alimentaires, d’hygiène, ou de première nécessité. Elle pose donc une ligne rouge nette : ne pas alourdir la facture des foyers sur les achats essentiels. C’est là une manière habile de soutenir à la fois la consommation domestique, la paix sociale et la stabilité du tissu économique local.

Réformer le financement social sans pénaliser l’emploi

La TVA sociale a pour vocation de remplacer une partie des cotisations sociales patronales par une fiscalité à la consommation. Ce mécanisme, déjà expérimenté en partie sous Nicolas Sarkozy, vise à alléger le coût du travail tout en préservant les ressources de la Sécurité sociale. Pour l’U2P, le financement de la solidarité nationale doit évoluer, dans un monde où la compétitivité repose sur des charges sociales moins lourdes, notamment pour les petites entreprises de proximité.

En défendant un schéma dans lequel la consommation de luxe finance la solidarité, l’U2P tente une équation subtile : stimuler l’emploi sans sacrifier la protection sociale. Contrairement à d’autres approches qui reposent sur des baisses de cotisations non compensées, la proposition de l’organisation vise à maintenir le niveau de protection tout en transférant intelligemment la charge fiscale. Pour les entreprises artisanales et les commerces de centre-ville, c’est un rééquilibrage attendu de longue date.

L’intérêt de la proposition de l’U2P tient aussi à sa prise en compte des réalités de terrain. Les secteurs représentés – artisans, commerçants, professions libérales – sont confrontés quotidiennement à la baisse de la consommation et à la montée des charges. En articulant compétitivité et justice fiscale, l’U2P propose une alternative à la rhétorique du « moins d’impôts » : il s’agit ici de repenser l’assiette, non de réduire aveuglément les prélèvements.

Une réforme sensible aux multiples implications politiques

La simple évocation d’une hausse de TVA suffit souvent à raviver les tensions sociales. Ce fut le cas lors du quinquennat Sarkozy, et le gouvernement actuel avance prudemment sur cette piste. En proposant une version ciblée, l’U2P cherche à déminer le débat et à montrer qu’une réforme fiscale peut être socialement acceptable. Reste que tout relèvement de taxe reste un sujet politiquement explosif, en particulier à la veille d’échéances électorales majeures.

Dans un contexte budgétaire tendu et face à l’essoufflement des leviers classiques de financement de la protection sociale, la piste défendue par l’U2P pourrait faire son chemin. À Bercy comme à Matignon, plusieurs voix réfléchissent à une réforme fiscale « par le haut », qui ne se traduirait pas par une austérité directe, mais par une redistribution plus intelligente des prélèvements. Le ciblage sur les produits de luxe offre ici une réponse à la fois lisible, symbolique et potentiellement consensuelle.

En publiant cette proposition, l’U2P ne s’adresse pas uniquement aux techniciens de Bercy. Elle envoie un signal politique, à la fois vers les décideurs publics et vers une opinion inquiète de l’avenir de son pouvoir d’achat. À l’heure où la fiscalité devient un marqueur politique majeur, le discours de « justice dans la contribution » pourrait redéfinir les contours du consentement à l’impôt. Et replacer le débat sur la TVA dans un cadre plus constructif qu’à l’accoutumée.



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