Revolut parie un milliard sur la France

La néobanque britannique va investir un milliard d’euros dans l’Hexagone et y installer son siège pour l’Europe de l’Ouest. Un signal fort au sommet Choose France.
Un ancrage stratégique renforcé sur le sol français
C’est une annonce qui n’a pas échappé aux investisseurs comme aux autorités françaises. Lors du sommet Choose France, organisé par l’Élysée à Versailles pour séduire les capitaux étrangers, Revolut a frappé fort : la fintech britannique annonce un investissement d’un milliard d’euros sur trois ans dans l’Hexagone. Ce plan d’envergure s’accompagne d’une décision hautement symbolique : l’établissement à Paris du siège de Revolut pour l’Europe de l’Ouest. Jusqu’ici éclatée entre Londres et Vilnius (Lituanie), l’organisation de la société s’ancre désormais plus fermement dans un pays membre de la zone euro, à la fois cœur politique et financier de l’Union européenne. Avec plus de cinq millions d’utilisateurs en France, Revolut reconnaît dans l’Hexagone non seulement un marché porteur mais aussi une base stratégique pour son développement continental.
Cette décision s’inscrit également dans un mouvement plus large de relocalisation post-Brexit des activités financières, Paris devenant de plus en plus un pôle d’attraction pour les grands acteurs de la tech financière. Pour Revolut, qui ambitionne de concurrencer les banques traditionnelles sur leur propre terrain, il s’agit de se rapprocher de ses clients mais aussi des régulateurs continentaux, dans un cadre juridique plus stable que celui du Royaume-Uni.
Ce plan d’investissement d’un milliard d’euros ne se limite pas à une installation de façade. Il implique aussi des engagements concrets en matière d’emploi et de services. Revolut prévoit ainsi d’embaucher plus de 200 collaborateurs supplémentaires en France, venant s’ajouter aux 300 déjà présents. Les profils visés sont hautement qualifiés : développeurs, ingénieurs, juristes bancaires, spécialistes du risque ou encore experts de la conformité réglementaire. La France est ici vue comme un vivier de talents, notamment grâce à la qualité de ses formations en ingénierie et en mathématiques financières.
En parallèle, Revolut confirme son intention de solliciter une licence bancaire complète auprès de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), ce qui lui permettrait d’aller bien au-delà de son offre actuelle de comptes courants ou de cartes de paiement. L’obtention de cette licence ouvrirait la voie à la distribution de crédits (immobiliers notamment), de produits d’épargne réglementés (Livret A, assurance-vie) et à la gestion de patrimoine. Bref, à une véritable transformation de Revolut en banque universelle, à l’image de ses concurrentes françaises comme BNP Paribas ou le Crédit Agricole.
Une confiance renforcée dans l’écosystème français
Le choix de Revolut n’est pas anodin. Dans un contexte de compétition accrue entre grandes capitales européennes pour attirer les sièges sociaux et les centres de décision des géants de la tech, la France tire ici son épingle du jeu. Plusieurs facteurs expliquent ce tropisme : un marché de consommateurs bancarisés, une population jeune et férue de solutions mobiles, une politique fiscale relativement stable pour les entreprises numériques, et un environnement réglementaire favorable à l’innovation. À cela s’ajoute une volonté politique affirmée de faire de la France une terre d’accueil pour la finance du futur.
Revolut ne fait ici que rejoindre un mouvement plus large de grandes entreprises technologiques ayant récemment renforcé leur présence en France : Amazon, Microsoft, Meta ou encore JPMorgan Chase ont tous investi massivement ces dernières années, portés par les politiques pro-entreprises menées depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Le gouvernement mise sur ce type d’annonce pour faire de Paris un hub incontournable dans la chaîne de valeur des fintechs européennes.
Le sommet Choose France, voulu par Emmanuel Macron depuis 2018, est devenu un moment symbolique de la stratégie d’attractivité française. Il permet de sceller des accords majeurs avec les entreprises étrangères et de faire valoir les atouts de l’économie nationale. L’annonce de Revolut a été saluée par les plus hautes autorités de l’État, à commencer par le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, qui a déclaré : « Cet investissement démontre la solidité du modèle économique français et notre capacité à attirer les entreprises les plus dynamiques du secteur financier. »
Cette annonce a aussi été interprétée comme une réponse à ceux qui doutaient encore de la capacité de la France à rivaliser avec Londres, Amsterdam ou Francfort. L’implantation de Revolut, qui n’avait pas initialement fait de la France sa priorité continentale, vient confirmer un retournement d’image positif. Pour les pouvoirs publics, c’est une victoire politique, mais aussi un levier d’image, notamment à l’approche des prochaines échéances électorales.
Une expansion européenne méthodique mais ambitieuse
Revolut ne cache plus ses ambitions de leadership européen. Déjà présente dans plus de 30 pays, avec 55 millions d’utilisateurs dans le monde, la néobanque entend accélérer en France, où elle prévoit de doubler sa base de clients d’ici à la fin de l’année 2026. Cela implique un déploiement plus agressif de ses services, une campagne de communication de grande ampleur, et surtout une montée en puissance de ses services premium (Revolut Metal, Revolut Ultra), ciblant une clientèle urbaine, mobile et fortunée. En parallèle, l’entreprise compte développer davantage ses offres pour les professionnels et les indépendants, un segment encore peu exploité mais à très fort potentiel.
Cette stratégie s’accompagnera sans doute de partenariats commerciaux avec des acteurs français : distributeurs, fintechs locales, voire assureurs. L’objectif est clair : faire de Revolut un acteur incontournable dans tous les usages bancaires quotidiens, au-delà de sa réputation actuelle centrée sur les voyageurs et les adeptes de cryptoactifs.
Si Paris devient le centre opérationnel de l’Europe de l’Ouest, Revolut n’abandonne pas pour autant son siège historique de Vilnius en Lituanie. C’est depuis ce pays balte que l’entreprise détient sa licence bancaire européenne (depuis le Brexit), et cette base restera clé pour son développement en Europe centrale et orientale. La stratégie de Revolut repose désormais sur un double pilier : Paris pour le développement commercial, le marketing et les partenariats à l’Ouest, Vilnius pour les opérations financières, la conformité et le suivi réglementaire à l’Est.
Cette architecture bicéphale permet à Revolut d’optimiser sa couverture géographique tout en limitant les risques opérationnels. En internalisant progressivement les fonctions clés dans chacun de ces hubs, l’entreprise assure sa souveraineté technologique et sa réactivité face aux évolutions réglementaires, de plus en plus exigeantes en matière de cybersécurité, de lutte anti-blanchiment et de gestion des risques.